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  LA CONQUÊTE INTÉGRALE - BUGEAUD ET ABD-EL-KADER (1840-1848)  
     
   Toutes précautions sont d'ailleurs prises pour ne le faire travailler que dans les lieux salubres et aux époques convenables. "

Bugeaud alla plus loin encore dans cette voie. Puisqu'il s'agissait d'une colonisation stratégique, il en conclut que le meilleur moyen de la réaliser était la fondation de colonies militaires. Dès 1838, dans sa brochure intitulée : De l'établissement de légions de colons militaires dans les possessions françaises du Nord de l'Afrique, il avait préconisé cette méthode : " De tous les moyens de faire marcher vite et bien la colonisation, disait-il, le meilleur, j'en ai la conviction, c'est la colonie militaire. Par là, je n'entends pas qu'on puisse y appeler nos régiments; leur constitution actuelle les rend impropres à cette oeuvre. Je n'entends pas non plus que mes légions de colonisateurs ne seront composées que d'anciens militaires; je veux y rallier tous les hommes de professions laborieuses, qui joindront à la vocation pour l'Afrique les qualités physiques et morales nécessaires. Je ferai donc appel à plusieurs classes de travailleurs, à l'armée en retraite, à tous les contingents de l'armée active. Les colonies militaires seraient une véritable force; elles donneraient tout d'abord de puissants auxiliaires à l'armée et permettraient au besoin de la réduire; car elles pourraient fournir des soldats pour l'action en campagne et occuper certains points où nous sommes obligés de laisser des garnisons. "

En 1844, les projets de Bugeaud se précisent. Il propose de réserver aux colons militaires la majeure partie des terres vacantes en Algérie; ils seraient organisés en une sorte de légion, recrutée parmi les anciens sous-officiers et soldats encore sous les drapeaux; ils obtiendraient d'abord une permission pour se marier en France; puis, revenus en Algérie avec leur femme, ils recevraient un petit domaine où l'État construirait une maison, des instruments aratoires et du bétail, enfin l'habillement et la solde pendant trois ans. Bugeaud comptait trouver 100 000 colons de ce genre; à 3 000 francs par colon, la dépense eût été de 300 millions, à répartir sur dix exercices. Il demandait pour commencer 500 000 francs, qui lui furent refusés par la Chambre.

Bugeaud revint encore une fois à la charge en1847; il adressa aux Chambres une brochure dans laquelle il exposait ses vues sur la colonisation. Il demandait un crédit de 3 millions pour la création de camps agricoles, où des terres seraient con cédées à des militaires de tous grades et de toutes armes, servant ou ayant servi en Afrique. La Chambre fut saisie du projet le 26 février 1847. Tocqueville fit un rapport défavorable, dans lequel il condamnait en bloc la colonisation officielle et déclarait que l'État n'avait pas à intervenir dans l'établissement des colons, oeuvre onéreuse et stérile. Le gouvernement retira le projet, qu'il avait soutenu mollement et sans conviction et Bugeaud donna sa démission.

 
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