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La colonisation militaire est
certainement la partie la plus contestable et la plus
éphémère de l'œuvre de Bugeaud. Trois essais furent tentés
: l'un à Fouka avec des militaires libérés, les deux autres
à Beni-Mered et à Mahelma avec des hommes ayant encore trois
ans de service à faire ". Vous connaissez tous, disait
Bugeaud à ses soldats, les lieux où ces villages sont
situés. Le sol y est fertile et sain, le site agréable, les
abords faciles; tout leur présage une grande prospérité. Il
y a une certaine différence entre cultiver les champs
d'autrui et son propre domaine. Ici, personne ne viendra
prendre une part dans le produit de vos travaux. Tout sera
bien à vous et pendant plusieurs années vous ne paierez pas
d'impôts. J'accorderai des congés à ceux qui voudront
visiter leurs parents et je les exhorterai à se marier avant
de revenir. Je leur dirai aussi: Amenez votre père et votre
mère, vos frères et vos sueurs ; la terre est généreuse et
je vous en distribuerai assez pour que la famille puisse vivre
largement. "
Malgré ces promesses séduisantes, la plupart des auditeurs
de Bugeaud se refusèrent à suivre les conseils de leur
général. Le recrutement des colons, assez médiocre, ne
comprenait que peu d'agriculteurs de profession; ils
arrivèrent sous la conduite de leurs officiers, au roulement
du tambour; ils reçurent des lots urbains et des lots ruraux,
et, déposant le sac et le fusil, commencèrent à manier la
pioche et la charrue. Bugeaud s'occupa de les marier avec des
orphelines de Toulon, auxquelles on donnait une petite dot de
700 francs ; ce furent les " mariages au tambour ",
dont se gaussèrent les contemporains et qui donnèrent, comme
il fallait s'y attendre, des résultats médiocres. Les colons
devaient travailler en commun pendant cinq années, après
quoi les terres seraient partagées. Les produits du sol
devaient également être communs pendant la première
période. Cette conception à la fois militariste et
communiste ne résista pas à l'épreuve des faits, Bugeaud
lui-même en a convenu plus tard. Les colons demandèrent à
être désassociés et à travailler chacun pour son compte;
les deux tiers d'entre eux partirent et les villages ne
réussirent qu'après l'adjonction de colons civils.
En réalité, il faut distinguer entre la colonisation
militaire, qui est une utopie, et la colonisation avec le
concours des militaires, qui est possible et désirable.
L'armée ne saurait coloniser par elle-même, mais elle peut
de bien des manières aider la colonisation et lui fournir
d'excellents éléments. Il eût suffi sans doute de modifier
dans la forme le projet de Bugeaud pour le rendre à la fois
très pratique et très exécutable. |
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LES SAINT-SIMONIENS |
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De 1841 à 1848 beaucoup d'autres
méthodes de colonisation furent essayées. A cette époque
bouillonnaient les systèmes de rénovation sociale qui
devaient aboutir à la révolution de 1848; ces systèmes
espéraient trouver en Algérie un champ d'expériences
favorable. |
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