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Bugeaud ne croyait pas à la
grande colonisation : " L'État, disait-il, s'expose à
donner des espaces considérables qui ne recevront qu'une
population rare de mercenaires ou qui n'en recevront aucune.
" C'est ce qui faisait dire très justement à Pellissier
de Reynaud : " Le gouverneur général, par son
éloignement des grandes concessions, par sa prédilection
pour la petite propriété, par sa sage incrédulité touchant
la puissance féerique des capitaux dans un pays où il s'agit
avant tout d'organiser le travail, est, en Algérie, le vrai
représentant des intérêts démocratiques, dont la plupart
de ses antagonistes de la presse se disent les apôtres.
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ESSAIS DIVERS. LA
GRANDE COLONISATION |
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Les lieutenants de Bugeaud, La
Moricière et Bedeau, ne partageaient pas toutes ses idées en
matière de colonisation. La Moricière avait dressé un vaste
plan de colonisation de la province d'Oran ; il s'agissait de
libérer, entre Oran, Mascara et Mostaganem, 80 000 hectares
sur lesquels on devait installer 5 000 familles; l'État ne
prenait à sa charge que les travaux d'utilité commune :
enceinte du village, nivellement, adduction d'eau, chemins ;
le reste devait être exécuté par des capitalistes à qui on
concédait le village à charge d'y installer des familles en
nombre fixe. En 1846, on mit en adjudication la concession à
l'entreprise de six villages des environs d'Oran ; un seul,
Sainte-Barbe-du-Tlélat, trouva preneur et l'adjudicataire ne
tarda pas à avouer son impuissance. Même insuccès l'année
suivante avec d'autres villages. A Saint-Denis-du-Sig, en
1846, on concéda 3 000 hectares, près du barrage qu'on
venait de construire, à l'Union agricole que
recommandait La Moricière et qui s'engageait à installer 300
familles européennes. On trouvait dans cette société une
combinaison des doctrines Saint-Simoniennes et des doctrines
Fouriéristes; c'était à la fois un phalanstère et une
commune associée; on espérait échapper ainsi à la fois aux
inconvénients des grandes concessions individuelles et de la
petite colonisation; 2 000 actions de 500 francs, divisibles
en coupures de 50 francs, furent émises à Lyon et à Oran.
Le capitaine d'artillerie Gautier, qui n'était ni
administrateur ni agronome, en prit la direction. Les colons
ne venant pas, on embaucha des salariés. Le travail en commun
fut, comme pour les colonies militaires, la cause principale
de l'échec; l'entreprise fut abandonnée en 1853. De ces
diverses tentatives de collectivisme agraire, il n'est rien
resté en Algérie, mais l'étatisme s'y est conservé sous la
forme de la colonisation officielle. En 1841, M. de Corcelles,
visitant l'Algérie, suggéra à Bugeaud d'y appeler les
Trappistes. Le gouverneur se montra d'abord peu enthousiaste,
puis se rallia à ce projet qui avait l'appui de la reine
Marie-Amélie : |
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