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  LA CONQUÊTE INTÉGRALE - BUGEAUD ET ABD-EL-KADER (1840-1848)  
     
  
Cette idée de l'expropriation pour cause d'inculture était d'ailleurs conforme au droit musulman, qui déclare que la terre doit appartenir à celui qui la vivifie. Les deux ordonnances furent appliquées seulement dans le Sahel, dans une partie de la Mitidja, dans les environs de Bône et d'Oran, en tout sur 200 000 hectares, dont 168 000 dans la province d'Alger; 55 000 hectares furent attribués aux Européens, 32 000 aux indigènes, 95 000 à l'État. Les ordonnances espéraient procurer à la colonisation des terres en abondance, mais, comme les formalités qu'elles prescrivaient pour la vérification des titres étaient fort longues, le but ne fut pas atteint et les transactions se trouvèrent plutôt ralenties.
 

LE RÉGIME DES CONCESSIONS

 
Le régime des concessions de terres fut déterminé par l'arrêté du 18 avril 1841. Le colon recevait un titre provisoire qui fixait les conditions qu'il devait remplir et le délai qu'on lui accordait; lorsqu'il avait exécuté les travaux de mise en valeur, il recevait un titre définitif; jusque là, ses droits étaient limités; il ne pouvait se substituer que des personnes agréées par l'administration et souscrivant aux conditions exigées par celle-ci; il ne pouvait hypothéquer que pour dépenses de construction ou de mise en valeur et avec une autorisation spéciale. Tout colon français ou européen justifiant de 1 200 à 1 500 francs de ressources disponibles recevait dans un des nouveaux centres un lot à bâtir et un lot de culture de 4 à 12 hectares selon ses moyens; il avait droit au passage gratuit pour lui et les siens, pouvait toucher en France des vivres de route, trouvait en arrivant des abris provisoires, recevait des matériaux pour bâtir, des bêtes de labour, des semences, des instruments agricoles. Le colon était entièrement dans la main de l'administration, mais celle-ci en revanche était amenée à lui consentir un appui très large pendant cette période.
C'était le gouverneur qui décidait les créations de centres et donnait les concessions. La direction de l'Intérieur était chargée de la formation des nouveaux centres, du choix de leur emplacement, de l'allotissement des terres, du placement des familles. Le titulaire de cette direction, de 1838 à 1847, fut le comte Guyot, un des administrateurs les plus remarquables qu'ait eus l'Algérie. Fils d'un général de l'Empire, d'abord sous-intendant militaire, Guyot était plein de zèle pour la colonisation, dont il fut un des meilleurs artisans; il n'est que juste qu'un des plus beaux villages de l'Algérie porte son nom. Le maréchal agit d'abord en plein accord avec lui, mais cet accord fit place au conflit et à une hostilité très âpre, lorsque l'ordonnance du 20 juillet 1845 eut retiré au gouverneur la faculté d'accorder les concessions même les plus petites; cette faculté était désormais réservée en droit au ministre en fait à Guyot, puisqu'il était seul chargé de l'administration du territoire civil.
 
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