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Cette idée de l'expropriation
pour cause d'inculture était d'ailleurs conforme au droit
musulman, qui déclare que la terre doit appartenir à celui
qui la vivifie. Les deux ordonnances furent appliquées
seulement dans le Sahel, dans une partie de la Mitidja, dans
les environs de Bône et d'Oran, en tout sur 200 000 hectares,
dont 168 000 dans la province d'Alger; 55 000 hectares furent
attribués aux Européens, 32 000 aux indigènes, 95 000 à l'État.
Les ordonnances espéraient procurer à la colonisation des
terres en abondance, mais, comme les formalités qu'elles
prescrivaient pour la vérification des titres étaient fort
longues, le but ne fut pas atteint et les transactions se
trouvèrent plutôt ralenties. |
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LE RÉGIME DES
CONCESSIONS |
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Le régime des concessions de
terres fut déterminé par l'arrêté du 18 avril 1841. Le
colon recevait un titre provisoire qui fixait les conditions
qu'il devait remplir et le délai qu'on lui accordait;
lorsqu'il avait exécuté les travaux de mise en valeur, il
recevait un titre définitif; jusque là, ses droits étaient
limités; il ne pouvait se substituer que des personnes
agréées par l'administration et souscrivant aux conditions
exigées par celle-ci; il ne pouvait hypothéquer que pour
dépenses de construction ou de mise en valeur et avec une
autorisation spéciale. Tout colon français ou européen
justifiant de 1 200 à 1 500 francs de ressources disponibles
recevait dans un des nouveaux centres un lot à bâtir et un
lot de culture de 4 à 12 hectares selon ses moyens; il avait
droit au passage gratuit pour lui et les siens, pouvait
toucher en France des vivres de route, trouvait en arrivant
des abris provisoires, recevait des matériaux pour bâtir,
des bêtes de labour, des semences, des instruments agricoles.
Le colon était entièrement dans la main de l'administration,
mais celle-ci en revanche était amenée à lui consentir un
appui très large pendant cette période.
C'était le gouverneur qui décidait les créations de centres
et donnait les concessions. La direction de l'Intérieur
était chargée de la formation des nouveaux centres, du choix
de leur emplacement, de l'allotissement des terres, du
placement des familles. Le titulaire de cette direction, de
1838 à 1847, fut le comte Guyot, un des administrateurs les
plus remarquables qu'ait eus l'Algérie. Fils d'un général
de l'Empire, d'abord sous-intendant militaire, Guyot était
plein de zèle pour la colonisation, dont il fut un des
meilleurs artisans; il n'est que juste qu'un des plus beaux
villages de l'Algérie porte son nom. Le maréchal agit
d'abord en plein accord avec lui, mais cet accord fit place au
conflit et à une hostilité très âpre, lorsque l'ordonnance
du 20 juillet 1845 eut retiré au gouverneur la faculté
d'accorder les concessions même les plus petites; cette
faculté était désormais réservée en droit au ministre en
fait à Guyot, puisqu'il était seul chargé de
l'administration du territoire civil. |
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