La séparation des deux administrations civile et militaire entraînait
la suppression de la direction des affaires civiles et de la
direction centrale des affaires arabes.
Ce régime d'assimilation était tout à fait prématuré. En
territoire civil, l'autorité se trouvait partagée et les préfets,
en relations directes avec le ministre de la Guerre, ne dépendaient
plus que faiblement du gouverneur. Si le système ne donna pas de
trop mauvais résultats, c'est que le territoire civil était, à
cette époque, fort peu étendu; il formait, non pas une zone, mais
une série de taches autour de quelques villes du littoral, la
principale de ces taches étant celle qui s'étendait au voisinage
d'Alger. Quant au nouveau régime municipal, qui comportait
d'ailleurs des maires nommés par les préfets, il ne fut appliqué
qu'aux six communes d'Alger, Blida, Oran, Mostaganem, Bône et
Philippeville ; dans le reste du territoire civil, les commissaires
civils furent provisoirement maintenus. Sur 112 000 Européens, il y
en avait, en 1848, 86 000 en territoire civil et 26 000 en
territoire militaire; encore beaucoup de ces derniers étaient-ils
appelés à passer prochainement en territoire civil.
Dès lors commencent les discussions entre les partisans du
régime civil et ceux du régime militaire, ou, comme on disait
alors, du régime du sabre, discussions auxquelles on s'attacha à
peu près exclusivement pendant le Second Empire et qui aboutirent
à la suppression du gouvernement général en 1858. En réalité,
la pacification était encore trop incomplète et trop récente pour
qu'on pût songer à cette époque à soustraire les indigènes au
régime militaire : " Sans nul doute, écrivait Bugeaud en
1848, le régime militaire est et sera longtemps ce qui convient le
mieux à la situation de notre colonie. Ceux qui ont pensé et
pensent encore le contraire ont oublié que nous sommes en présence
d'un peuple de 3 ou 4 millions d'âmes, ayant 4 à 500 000 hommes
armés et très belliqueux. La question vitale n'est pas de savoir
si les Européens auront plus ou moins de liberté, s'ils seront
gouvernés de telle ou telle manière, si le pouvoir sera plus civil
que militaire. Tout cela peut passionner les badauds et les niais de
nos villes de la côte, mais n'a, au fond, aucune importance
réelle. Ce qu'il faut faire, c'est grandir le pays par une
colonisation dont les éléments seraient vigoureux et par de grands
travaux d'utilité publique, ouvrant les voies à la colonisation.
" -
La dispute entre les partisans du régime civil et ceux du régime
militaire en Algérie, disait Pellissier de Reynaud, ne consistant
guère qu'à savoir si les administrateurs seront coiffés d'un
chapeau ou d'un képi, la question n'offre pas beaucoup plus de
gravité que celle qui séparait les Lilliputiens de leurs
adversaires sur la manière de cuire les neufs à la coque. "
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