La Moricière avait été remplacé au ministère de la Guerre
par le général Rullières, qui ne s'occupait guère de
l'Algérie, puis par le général d'Hautpoul, qui ambitionnait
pour lui-même le gouvernement général. En fait, les
questions algériennes étaient traitées par le chef de
division Germain, qui s'en remettait aux chefs et sous-chefs
de bureau; quant aux affaires indigènes, elles étaient
abandonnées à l'interprète Ismaël Urbain, personnage qui,
tout en restant dans la coulisse, paraît avoir exercé une
profonde influence sur les destinées de l'Algérie : nous le
retrouverons en effet parmi les inspirateurs et les
conseillers de Napoléon III. Dans son journal le Crédit,
Urbain demandait la suppression du gouvernement général; il
s'arrangeait en attendant pour l'annihiler : " Il faut
six lettres, disait Charon, pour obtenir la permission
d'acheter un burnous.
L'instabilité des gouverneurs, des ministres de la Guerre
et des chefs d'État qui présidèrent pendant cette période
aux destinées de la France, impressionnèrent
défavorablement les indigènes et neutralisèrent en partie
l'effet moral de la soumission d'Abd-el-Kader. Des troubles
éclatèrent dans les villes, à Alger, à Oran, à Bône :
" Ce n'est pas ainsi que j'entends la République, disait
Cavaignac les larmes aux yeux. " Et Bosquet écrivait de
Ténès : " C'est une étrange folie qui s'empare de
tous; il semble que, sous prétexte de République, il faille
partout essayer du désordre. " |