La révolution de 1848 a marqué
son empreinte sur la colonisation algérienne. Les
philanthropes des diverses écoles fondaient de grands espoirs
sur l'Algérie pour débarrasser Paris des ouvriers en
chômage et conduire à l'extinction du paupérisme. La
colonisation de l'Algérie paraissait appelée à résoudre la
crise sociale. L'État, qui avait garanti du travail à tous
les citoyens, donnerait un capital au lieu de donner un
salaire comme sur les chantiers nationaux. On concéderait 10
hectares par famille et on distribuerait ainsi 10 millions
d'hectares à un million de familles. " L'État, disait
Raousset-Boulbon, a beaucoup plus de terres qu'on ne le dit,
comme l'a démontré l'enquête ordonnée par le duc d'Aumale,
le seul des gouverneurs généraux qui ait fait son devoir. Au
surplus, si la France veut sérieusement livrer l'Algérie à
la civilisation, elle doit s'approprier au profit du bien
public la totalité du sol possédé par les indigènes.
" Et l'auteur, développant son programme, considérait
toutes les objections comme négligeables et concluait dans
une effusion lyrique : " Portons nos regards au delà des
mers et considérons ce peuple des États-Unis que les
centenaires ont vu naître. Confiez au travail le berceau de
la France algérienne; abritez-le sous des institutions libres
et fraternelles et bientôt ce peuple, glorieux enfantement
d'une république, tendra la main par-dessus l'Atlantique au
géant du nouveau monde. "
Les faiseurs de projets ne manquaient pas. Le moment leur
paraissait favorable, le nouveau régime devant se montrer
plus hardi que la monarchie de Juillet, qui opposait toujours
son veto aux tentatives de colonisation du maréchal Bugeaud.
Ces projets avaient pour la plupart un caractère utopique,
leurs auteurs ignorant les données les plus élémentaires du
problème ou se refusant à en tenir compte. Dans une brochure
intitulée : Les Villages départementaux en Algérie, Ducuing
préconisait l'idée, juste en elle-même et qui sera parfois
reprise par la suite, du peuplement régional. Le système
consistait à prendre dans chaque département un contingent
de colons volontaires et à l'installer en Afrique en centre
de population distinct. On établirait dès la première
année 40 000 colons; les frais d'établissement, évalués à
3 000 francs par colon, seraient couverts par des centimes
additionnels. |