Si l'on formait de nouveaux convois d'émigrants, il ne fallait en
tout cas pas les recruter à Paris et ne pas les mettre en route
avant que les villages fussent prêts à les recevoir. Il convenait
de concentrer ses efforts sur un petit nombre de points et de bien
choisir les nouveaux venus destinés à combler les vides.
L'application du régime municipal, pour laquelle le décret du 19
septembre 1848 avait prévu un délai d'un an, ne paraissait pas
encore possible, mais certaines institutions civiles, notamment les
justices de paix, pouvaient être organisées. Et Louis Reybaud
concluait avec beaucoup de sagesse :
" Ce tableau n'a rien de brillant, mais c'est là, plus que
l'on ne l'imagine, l'histoire de toutes les colonisations. Au
dix-septième siècle, des dissidents, chassés par la persécution,
se répandirent sur le vaste continent de l'Amérique du Nord; ils
n'apportaient ni les aptitudes spéciales du cultivateur, ni les
rudes qualités du pionnier. Cependant, à peu d'années de là,
cette terre voyait s'élever de son sein une civilisation
merveilleuse et les États-Unis étaient fondés. "
Dans la séance du 4 juillet 1850, l'Assemblée législative
discutant l'emploi du crédit de 5 millions précédemment alloué
à la colonisation, Louis Reybaud développa les conclusions de son
rapport : " Deux points sur lesquels tout le monde est
d'accord, dit-il, c'est que les colonies agricoles sont un produit
de la nécessité, des circonstances, et ont été dans une
proportion notable composées d'éléments défectueux peu en
harmonie avec leur destination; c'est aussi qu'il faut faire un
grand effort pour en tirer parti dans le présent et dans l'avenir.
Le second point est qu'en face d'une expérience en cours
d'exécution, il faut s'abstenir de ce qui pourrait ajouter de
nouveaux germes de découragement à ceux qui existent déjà sur
les lieux. "
La loi du 20 juillet 1850 apporta d'intéressantes retouches à
l'organisation des colonies agricoles. Elle décida notamment que
les colons destinés à compléter la population des villages
fondés en 1848 seraient choisis parmi les soldats ayant servi en
Algérie, les cultivateurs d'Algérie mariés, les cultivateurs de
France mariés. Les colonies continueraient à être placées sous
la direction des autorités militaires jusqu'à l'expiration des
trois années pendant lesquelles elles recevraient des subventions
de l'État, mais elles seraient rattachées au ressort de la justice
de paix la plus voisine.
Au budget de 1851, le ministre demanda seulement 300 000 francs
pour achever les constructions commencées. M. Lestiboudois, chargé
du rapport, insistait sur les obstacles que rencontrait la
colonisation faite aux frais de l'état.
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