d'abord destiné aux transportés de Juin, il fut finalement
affecté à une partie de ceux de Décembre; il était établi sur
le principe du travail extérieur en commun pendant le jour et de
l'isolement pendant la nuit. Le domaine possédait à Lambèse plus
de 3 000 hectares d'excellentes terres, permettant d'occuper 600
détenus; une section disciplinaire comprenait les condamnés
primitivement destinés à la Guyane. Mais la grande majorité des
transportés fut envoyée dans les camps d'Ain-Sultan, de Birkadem,
de Bourkika, de Douéra, d'Oued-Boutan, de Bel-Abbès, de
Sidi-Brahim. Le chiffre de ces colons involontaires s'éleva à 9
530. Le plus fâcheux est que souvent les condamnés politiques et
les condamnés de droit commun furent mélangés.
Dans les diverses catégories de transportés politiques, quelques
éléments furent utiles à la colonisation de l'Algérie. Mais ce
fut peu de chose auprès du tort fait à sa réputation dans
l'opinion publique; on la considéra comme un bagne affreux, un pays
sinistre où l'on mourait de la fièvre et du choléra; les lecteurs
des satires vengeresses mais hyperboliques des Châtiments ne
la distinguaient pas bien de la Guyane. C'est sur Lambèse que se
concentra toute l'horreur inspirée par la transportation politique
en Algérie. Ranc, dans le récit de son évasion du pénitencier, a
cependant déclaré plus tard " qu'il n'y avait pas de contrée
plus saine dans les trois provinces ". Les transportations
vinrent s'ajouter à l'échec des colonies agricoles de 1848 qu'on
exagéra, pour créer à l'Algérie une véritable impopularité.
Tout change d'ailleurs à partir de 1851 en matière de
colonisation, la théorie et la pratique. La République de 1848
voulait franciser les colonies par l'assimilation et rêvait de
trouver en Afrique la guérison de la crise ouvrière; l'Empire
comptait sur l'afflux des capitaux et des produits pour hâter la
mise en valeur du pays. Ce régime détourna de l'Algérie
l'émigration française, empêcha cette colonisation familiale
agricole qui lui aurait si bien convenu et qui correspondait aussi
à l'état social de la métropole. On opposa désormais aux
procédés d'un paternalisme inconsidéré et tatillon du
gouvernement de Juillet et de la Seconde République ceux des
colonies anglaises, où les terres étaient, disait-on, vendues à
haut prix et sans conditions et où le seul avantage assuré au
nouvel arrivant était la complète liberté d'agir. On dénonçait
les formalités qui entouraient l'obtention d'une concession, les
retards qui en résultaient, la lourdeur des obligations imposées.
L'administration se fatiguait des responsabilités et des charges
qu'entraînaient pour elle ces colons soldés et entretenus. "
On ne peut obtenir le succès, disait M. Lestiboudois dans son
rapport de 1851, que par les efforts de la liberté et de
l'intérêt individuel. Si l'on veut que la colonisation prenne son
essor, il faut lui donner des terres et des routes. "
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