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  L'ALGÉRIE SOUS LE SECOND EMPIRE (1851-1870)  
     
   d'abord destiné aux transportés de Juin, il fut finalement affecté à une partie de ceux de Décembre; il était établi sur le principe du travail extérieur en commun pendant le jour et de l'isolement pendant la nuit. Le domaine possédait à Lambèse plus de 3 000 hectares d'excellentes terres, permettant d'occuper 600 détenus; une section disciplinaire comprenait les condamnés primitivement destinés à la Guyane. Mais la grande majorité des transportés fut envoyée dans les camps d'Ain-Sultan, de Birkadem, de Bourkika, de Douéra, d'Oued-Boutan, de Bel-Abbès, de Sidi-Brahim. Le chiffre de ces colons involontaires s'éleva à 9 530. Le plus fâcheux est que souvent les condamnés politiques et les condamnés de droit commun furent mélangés.
Dans les diverses catégories de transportés politiques, quelques éléments furent utiles à la colonisation de l'Algérie. Mais ce fut peu de chose auprès du tort fait à sa réputation dans l'opinion publique; on la considéra comme un bagne affreux, un pays sinistre où l'on mourait de la fièvre et du choléra; les lecteurs des satires vengeresses mais hyperboliques des Châtiments ne la distinguaient pas bien de la Guyane. C'est sur Lambèse que se concentra toute l'horreur inspirée par la transportation politique en Algérie. Ranc, dans le récit de son évasion du pénitencier, a cependant déclaré plus tard " qu'il n'y avait pas de contrée plus saine dans les trois provinces ". Les transportations vinrent s'ajouter à l'échec des colonies agricoles de 1848 qu'on exagéra, pour créer à l'Algérie une véritable impopularité.

Tout change d'ailleurs à partir de 1851 en matière de colonisation, la théorie et la pratique. La République de 1848 voulait franciser les colonies par l'assimilation et rêvait de trouver en Afrique la guérison de la crise ouvrière; l'Empire comptait sur l'afflux des capitaux et des produits pour hâter la mise en valeur du pays. Ce régime détourna de l'Algérie l'émigration française, empêcha cette colonisation familiale agricole qui lui aurait si bien convenu et qui correspondait aussi à l'état social de la métropole. On opposa désormais aux procédés d'un paternalisme inconsidéré et tatillon du gouvernement de Juillet et de la Seconde République ceux des colonies anglaises, où les terres étaient, disait-on, vendues à haut prix et sans conditions et où le seul avantage assuré au nouvel arrivant était la complète liberté d'agir. On dénonçait les formalités qui entouraient l'obtention d'une concession, les retards qui en résultaient, la lourdeur des obligations imposées. L'administration se fatiguait des responsabilités et des charges qu'entraînaient pour elle ces colons soldés et entretenus. " On ne peut obtenir le succès, disait M. Lestiboudois dans son rapport de 1851, que par les efforts de la liberté et de l'intérêt individuel. Si l'on veut que la colonisation prenne son essor, il faut lui donner des terres et des routes. "

 
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