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LE CANTONNEMENT |
La loi de 1851 laissait en
suspens la question capitale celle de savoir comment l'on
pourrait se procurer des terres pour la colonisation
française sans injustice et sans dommage pour les indigènes.
On essaya d'y parvenir par l'opération dite du cantonnement.
Dans les terres collectives des tribus, la nue propriété
appartenait à l'État, l'usufruit à la tribu; l'État
imposait le partage, qui avait pour conséquence le
prélèvement d'une partie du sol en pleine propriété au
profit de l'État, le reste étant laissé au détenteur, qui
obtenait, en échange de la jouissance qu'il perdait sur la
portion attribuée à l'État, la pleine propriété du sol
sur lequel il était cantonné.
Les premières traces de ce système se trouvent dans une
circulaire de Bugeaud du 10 avril 1847 : " Je crois avoir
dit plusieurs fois, écrivait le maréchal, que ma doctrine
politique vis-à-vis des Arabes était non pas de les
refouler, mais de les mêler à notre colonisation; non pas de
les déposséder de toutes leurs terres pour les porter
ailleurs, mais de les resserrer sur le territoire qu'ils
possèdent et dont ils jouissent depuis longtemps, lorsque ce
territoire est disproportionné avec la population de la tribu
". Pour ôter à la mesure tout caractère de spoliation,
Bugeaud voulait que le resserrement ne se fît qu'avec une
extrême réserve; il prescrivait de ne prélever que le quart
ou le cinquième des terres, de diviser le reste en
propriétés individuelles et de faire sur le territoire des
travaux d'utilité générale compensant le prélèvement.
" Il faut, disait-il, qu'ils trouvent dans certains
avantages agricoles l'équivalent de ce qu'ils perdent en
surface ". Une autre circulaire du général Charon, du
15 juin 1849, recommandait de ne procéder que par voie
d'indemnité ou de compensation, en calculant largement les
besoins de la tribu et en lui garantissant la propriété
incommutable des territoires qu'on lui laissait : " Le
cantonnement, ajoutait-il, n'a rien de commun avec un
refoulement opéré en vertu du droit de la force et n'est en
réalité qu'une équitable transaction. En effet, s'il
enlève aux tribus usufruitières, lorsque les nécessités du
peuplement européen l'exigent, une partie des immenses
étendues qu'elles occupent pour les renfermer dans des
limites plus étroites, en échange il substitue à leur
simple droit de jouissance un droit de propriété
incommutable sur la part territoriale qui leur est assignée.
"
La conception du cantonnement était ingénieuse et aurait
certainement procuré à l'État de vastes surfaces pour la
colonisation si le système avait été appliqué sur une
grande échelle. On ne devait opérer que de proche en proche,
selon les besoins du peuplement européen. Les terres revenant
au domaine étaient administrées par lui jusqu'au jour où
elles étaient remises au service de la colonisation pour
être concédées gratuitement ou vendues aux Européens. |
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