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LES GRANDES
CONCESSIONS |
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Pour l'aliénation des terres
domaniales qu'elle s'était procurées par le cantonnement ou
de toute autre manière, l'administration réduisit son rôle
au strict minimum. Trois modes furent admis concurremment : la
vente par adjudication publique; la vente de gré à gré; la
concession gratuite, ce dernier mode s'appliquant seulement à
des terres non cultivées et dépourvues de constructions, en
un mot à des immeubles dont toute la valeur était à créer.
L'ordonnance de 1847, qui, comme on l'a vu, ne délivrait
qu'un titre provisoire jusqu'à ce que les conditions de mise
en valeur fussent remplies, fut remplacée par le décret du
26 avril 1851 ; désormais, le colon obtenait un titre de
propriété immédiat, avec clause résolutoire en cas
d'inexécution des obligations qui lui incombaient. Il pouvait
donc hypothéquer ou vendre ses terres, qui emportaient avec
elles dans ce cas les obligations assumées par le
concessionnaire. Le colon n'était astreint à aucune
justification préalable de ressources, de capitaux ou de
nationalité. En revanche, il n'avait pas à compter sur les
avances ou les secours de l'administration, qui cherchait à
provoquer la mise en valeur du sol sans se préoccuper de
savoir par qui elle serait effectuée. C'est la réaction
contre la colonisation assistée qui commence. La conception
purement économique, qui sera celle dé tout le Second
Empire, prévaut nettement sur le souci du peuplement.
L'administration était assiégée de demandes de grandes
concessions; il était d'ailleurs conforme à la politique
impériale de provoquer la venue des capitaux plutôt que des
colons. En 1852, des capitalistes de Genève eurent l'idée de
faire appel au gouvernement français pour faciliter une
émigration suisse dont le besoin se faisait impérieusement
sentir; ils demandaient 500 000 hectares, tous les frais
étant laissés à la charge du gouvernement français. Le
gouvernement refusa, mais vit là une offre de concours
intéressante de l'initiative privée, qui semblait se
produire à propos. MM. Lullin et Sautter de Beauregard
fondèrent alors une société au capital de 3 millions, plus
tard porté à 5 millions; ce fut la Compagnie genevoise, à
laquelle le décret du 26 avril 1853 concéda 20 000 hectares
de terrains domaniaux dans les environs de Sétif. La
Compagnie devait construire en dix ans dix villages et y
installer 500 familles originaires de Suisse, possédant
chacune au moins 3 000 francs. Chaque colon avait droit à une
maison bâtie, cédée par la Compagnie au prix de revient et
à un lot de 20 hectares. La société, comme rémunération
pour chaque village construit et peuplé par elle, aurait en
pleine propriété 800 hectares sur les 2 000 formant le
périmètre du centre. Le gouvernement prenait à sa charge
les travaux de routes, d'adductions d'eau, d'édifices
publics. |
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