on se contenta de porter de six à huit le nombre des compagnies
dans chacun des bataillons existants. Les troupes de cavalerie
avaient été à l'origine établies sur le littoral, et malgré les
progrès de la conquête, on les y avait laissées. Randon demanda
qu'elles fussent reportées dans l'intérieur, où les intérêts de
notre domination réclamaient leur présence et où la remonte
pourrait s'effectuer dans de meilleures conditions. Les spahis
furent destinés à occuper les limites du Tell et à garder les
frontières; pour assurer leur bon recrutement et en faire des
instruments utiles de notre domination, il fallait ne pas les
éloigner de leur vie habituelle et leur éviter les détails d'un
service minutieux, sans but comme sans utilité pour eux. Randon
proposa de les grouper en smalas, avec un bordj central, dépôt de
munitions et de vivres, des terres de labour et de parcours où ils
vivraient sous la tente avec leurs familles et leurs troupeaux,
prêts à monter à cheval en cas d'appel. On attendait de
l'établissement des smalas, outre les avantages militaires, des
progrès de l'agriculture et de l'élevage du cheval.
Pendant la guerre de Crimée, l'Algérie fut presque dégarnie de
troupes ; elle fournit 30 000 hommes de ses meilleurs régiments et
n'en conserva que 40 ou 45 000. Elle assura aussi en partie les
approvisionnements de l'armée d'Orient. "L'intervention de
l'Algérie dans cette grande lutte, écrivait à Randon l'intendant
général Darrican, donne la mesure de cette jeune puissance dans la
Méditerranée; elle constitue un fait de guerre considérable, dont
on ne connaîtra toute la portée que lorsqu'on récapitulera avec
impartialité la somme des efforts que vous avez produits à
l'intérieur de votre commandement sans affaiblir la situation de
l'Algérie, en étendant au contraire les limites de notre
territoire et en créant dans l'Algérie de nouveaux éléments de
puissance militaire et de colonisation. " "Personne
n'oubliera, écrivait de son côté Bosquet, que l'Afrique nous a
donné nos soldats d'avant-garde, ceux de l'Alma et d'Inkermann, que
vous nous avez tout envoyé et que vous avez accepté la sérieuse
et belle mission de maintenir et de développer notre colonie avec
des conscrits dont vous ferez bientôt de vieilles troupes. "
L'instruction des jeunes soldats fut en effet très vivement
poussée pour assurer la tranquillité de la colonie. Des travaux de
routes furent entrepris; des détachements de cavalerie
sillonnèrent le pays ; diverses précautions furent prises. On fit
en particulier connaître aux tribus que la guerre dans laquelle
nous étions engagés avait pour but de porter secours au sultan
contre ses ennemis. Non seulement la tranquillité ne fut pas
troublée, mais la marche des affaires demeura parfaitement normale.
Cette expérience témoigna que la conquête était solide. Il ne
restait plus à soumettre, pour qu'elle fût complète, que le Sud
et la Kabylie.
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