|
II |
|
LE SUD. LAGHOUAT ET
LE MZAB |
|
Ni les Romains, ni les Turcs
n'avaient occupé le Sahara proprement dit. Le limes
romain, comme on l'a vu, laissait en dehors même les grandes
steppes de la province d'Oran et de la province d'Alger, la
région que nos soldats appelaient le " Petit-Désert.
" Les Turcs s'étaient peu occupés du Sud; ils n'y
avaient fait que quelques expéditions isolées et se
bornaient en général à interdire les marchés du Tell aux
insoumis et à percevoir sur les Sahariens le droit d'eussa
lorsqu'ils se présentaient sur les marchés. Bugeaud avait eu
lui aussi son limes, sa ligne de postes de Batna à
Sebdou destinée à fermer aux nomades l'accès des régions
de culture et de colonisation. Le Tell une fois conquis, nous
aurions pu, comme l'avaient fait nos prédécesseurs, nous
désintéresser du Sud, resserrer les mailles de notre réseau
dans le Tell, contrôler le ravitaillement des nomades et au
delà faire jouer à notre profit les influences locales. Nous
fûmes amenés à intervenir au Sahara pour deux raisons :
l'une, excellente, était la nécessité de pacifier les
régions sahariennes pour avoir la tranquillité dans le Tell;
l'autre, moins bonne, était tirée des illusions qu'on se
faisait à cette époque sur la valeur économique du Sahara
et du commerce transsaharien.
Randon fut l'initiateur de cette politique saharienne. Au
début de son gouvernement, une agitation assez vive avait
été provoquée dans le Sud par un indigène originaire des
environs de Tlemcen, qui se faisait appeler Mohammed-ben
Abdallah : c'était un personnage assez médiocre, qui n'avait
pas l'étoffe nécessaire pour jouer les Abd-el-Kader. La
Turquie encourageait ses intrigues; en revenant de la Mecque,
il avait débarqué à Tripoli, avait gagné Rhadamès, puis
Touggourt et Ouargla, où il s'était fait proclamer sultan.
La grande tribu des Larbâ fit défection, l'agitation
s'étendit assez rapidement, gagnant le Sud-Oranais et le
Sud-Constantinois et Mohammed-ben-Abdallah entra à Laghouat,
appelé par un des deux sofs entre lesquels se partageait la
population; les Mozabites le ravitaillaient en armes et en
munitions. Un poste fut créé à Djelfa, à mi-chemin entre
Boghar et Laghouat et l'idée de l'occupation de Laghouat
commença à se faire jour: " L'importance de ce poste,
écrivait Randon au ministre de la Guerre, n'est plus à
démontrer. Il faut avoir sur ce point une garnison d'une
certaine importance et un officier français. Sous le
commandement de cet officier, Laghouat sera l'avancée dans le
Sud de notre occupation régulière de l'Algérie. |
|
|