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  L'ALGÉRIE SOUS LE SECOND EMPIRE (1851-1870)  
     
  

LA KABYLIE

 
La soumission de la Kabylie du Djurjura par le maréchal Randon est le dernier acte de la conquête. Désormais, tout le territoire de l'Algérie sera administré par nous, paiera l'impôt, obéira à notre autorité. Il y aura encore des insurrections, mais localisées comme celle des Ouled-SidiCheikh, ou dues à des circonstances tout à fait exceptionnelles comme l'insurrection de 1871. Aucune ne mettra réellement en péril notre domination.
La Kabylie de Djurjura est une région très accidentée, aux pentes abruptes, au relief tourmenté. Peu de pays au monde sont mieux défendus par les obstacles naturels et plus difficilement accessibles. Dans toute l'Afrique du Nord, on ne voit guère que certaines parties du Rif marocain qui puissent à ce point de vue lui être comparées. Isolée entre la mer et la grande chaîne du Djurjura, la Kabylie ne peut en somme être abordée qu'en passant par le col des Beni-Aïcha (Ménerville), puis par celui de Tizi-Ouzou. L'intérieur même du massif kabyle est profondément entaillé par le fossé du Sebaou et la dépression de Dra-el-Mizan ; enfin, entre chaque pâté montagneux, entre chaque arête rocheuse, se creusent des vallées étroites et profondes.

Là vit une population d'une densité extraordinaire et telle qu'on n'en rencontre nulle part ailleurs dans l'Afrique du Nord. Les villages ou taddert se succèdent d'une façon presque continue le long de certaines crêtes, la ligne des maisons et des toits n'étant interrompue que par les espaces réservés aux cimetières. Cette population ajoute à la culture des arbres à fruits, oliviers et figuiers, et aux quelques ressources que lui procure une industrie rudimentaire, la pratique de l'émigration temporaire, sans laquelle elle ne pourrait se suffire. Elle est farouchement attachée à son sol, où elle a trouvé un refuge contre les invasions et où elle a maintenu envers et contre tous sa langue particulière, que nous qualifions de berbère; son vieux droit coutumier barbare, cristallisé dans les kanoun et qui s'écarte sur bien des points des prescriptions du Coran; ses petites assemblées municipales, les djemaâs, composées des chefs de clan qu'on appelle en Kabylie les tamen, les répondants.

Le gouvernement de la djemaâ, démocratique en apparence, est en réalité dirigé par un petit nombre de vieillards ; toute-puissante en principe, cette assemblée a des pouvoirs réels très faibles, parce qu'elle évite de s'immiscer dans les querelles de famille et qu'elle est elle-même déchirée par les luttes des sofs ou partis. Les tamen choisissent chaque année l'un d'entre eux, l'amin ou amrar, quelquefois appelé ameksa, le berger; c'est un berger auquel le troupeau n'obéit pas facilement et qui n'est en somme que l'exécuteur des volontés de la djemaâ.

 
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