Les réformes qu'il envisageait s'inspiraient des arrêtés de la
République de 1848 ; elles les dépassaient même dans la voie de
l'assimilation, en réduisant plus encore le rôle de
l'administration militaire et en renforçant les unités
départementales.
Le décret du 27 octobre 1858 sur l'organisation administrative
de l'Algérie maintint la division en trois provinces; chaque
province était divisée en territoire civil et territoire
militaire; le territoire civil était administré par le préfet, le
territoire militaire par le commandant de la division territoriale;
les attributions des préfets et des généraux furent étendues, en
raison de la suppression du gouverneur général. De nouvelles
sous-préfectures furent créées en territoire civil, de nouveaux
commissariats civils en territoire militaire. La grande innovation
du décret du 27 octobre était le rétablissement des conseils
généraux; les colons y virent le début d'une ère de liberté,
devant conduire à l'assimilation politique complète avec la
France. Le régime financier était également modifié et des
budgets provinciaux étaient institués. Les réformes judiciaires
furent importantes; la justice française fut réorganisée dans le
sens de l'assimilation; la Cour d'appel d'Alger, jusqu'alors
regardée comme de classe inférieure et soumise à la juridiction
du parquet, fut élevée au rang des autres Cours. Surtout, le
prince Napoléon s'efforça de supprimer le régime d'exception
auquel étaient soumis les indigènes; il interdit à l'autorité
militaire de prononcer administrativement des peines
correctionnelles. Le décret du 21 septembre 1858 institua en
territoire militaire des commissions disciplinaires qui, en
suppléant à l'insuffisance des juridictions régulières, feraient
disparaître l'arbitraire et donneraient des garanties aux accusés.
Le ministre supprima également les amendes collectives. Enfin un
décret du 16 février 1859 déclara libres en Algérie, sans
distinction de territoire civil ou militaire, toutes les
transactions immobilières.
Le Comité consultatif de l'Algérie, créé en 1850 et
réorganisé en 1851, fut supprimé et remplacé par un Conseil
supérieur de l'Algérie et des Colonies siégeant auprès du
ministre; le prince y fit entrer surtout ses amis. Le Conseil était
chargé d'étudier toutes les questions se rapportant à nos
possessions d'outre-mer ; il comportait une Commission permanente
des travaux publics. « Pour l'Algérie, disait le prince, les
questions les plus urgentes sont les chemins de fer, le mode de
cession des terres de l'État et le cantonnement des Arabes, que je
devrais appeler plus justement la substitution de la propriété
individuelle à la propriété collective et de l'unité
territoriale à l'unité générique. »
La nomination du prince Napoléon fut d'abord bien accueillie par
la population civile.
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