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  L'ALGÉRIE SOUS LE SECOND EMPIRE (1851-1870)  
     
   L'opération ne portait d'ailleurs que sur les terres collectives et laissait de côté les propriétés privées, dont la consistance restait assez mal déterminée. Il importait de combler cette lacune.

Une commission, instituée par un arrêté du gouverneur général du 27 mai 1861, prépara un projet de décret : " La plupart des discussions qui ont eu lieu sur le cantonnement des tribus, disait Pélissier au Conseil supérieur du gouvernement, ne reposent guère que sur des malentendus. On prête aux indigènes des droits et une nationalité auxquels ils n'ont jamais songé. Aujourd'hui même, les tribus sont étrangères aux doctrines qui ont cours sur la propriété du sol affecté à leurs labours et au pacage de leurs troupeaux. Au lieu de s'appesantir et de discuter sur des nuances de forme, il faut dire l'Algérie renferme près de 20 millions d'hectares cultivables, elle n'a que 3 millions d'habitants, la propriété y est généralement sans valeur, frappée d'immobilité, de mainmorte. D'immenses parties du territoire sont incultes, couvertes de bois ou de broussailles, composées de terres vagues qui, à toutes les époques et dans toutes les législations, ont été considérées comme vacantes et sans maîtres. La population souffre de cette situation digne des temps barbares qui lui ont donné naissance et dont elle perpétue la durée; nous lui devons un meilleur sort. Il faut dire encore : tout nous commande de fixer en Algérie une population européenne nombreuse et forte, d'abord pour transformer le sol, ensuite pour le conserver. Et comme il peut y avoir place pour tout le monde, sans sacrifier absolument aucun intérêt à un autre, il faut, de toutes les exigences qui se produisent, faire une cote mal taillée, donner en père de famille la terre à celui qui est à même d'en tirer parti; en assurer la propriété incommutable à celui qui a déjà su la mettre en valeur; à défaut, offrir de justes compensations, faire entrevoir à chacun les moyens d'améliorer sa situation, en se défiant toutefois des velléités cupides qui s'agitent autour de l'administration. Enfin il importe d'atteindre ces résultats par les moyens les plus simples, les plus expéditifs, les plus économiques ; ceux-là seront toujours les plus justes. Nous devons de plus faire en sorte d'augmenter parallèlement le rendement de la terre par les améliorations dont elle est susceptible et par de grands travaux publics; faire que 10 000 hectares, qui à présent peuvent à peine nourrir 500 familles, en reçoivent 2 000, au moyen de dessèchements, d'aménagements des eaux, d'exploitations de bois, de sondages artésiens, d'ouvertures de routes, de créations de centres de protection et d'administration. "
Ce discours de Pélissier dénotait une connaissance profonde de la situation et des besoins de l'Algérie, dont les destinées eussent été changées si les idées du gouverneur général avaient prévalu. Mais il ne fut pas écouté. Le projet sur le cantonnement vint en discussion devant le Conseil d'État ; il y rencontra une opposition telle que le gouvernement fut obligé de le retirer.

 
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