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  L'ALGÉRIE SOUS LE SECOND EMPIRE (1851-1870)  
     
   Aussi est-ce d'un consentement unanime que le projet de cantonnement soumis au Conseil d'État a été retiré. Aujourd'hui, il faut faire davantage, convaincre les Arabes que nous ne sommes pas venus en Algérie pour les opprimer et les spolier, mais pour leur apporter les bienfaits de la civilisation.
Cherchons par tous les moyens à nous concilier cette race intelligente, fière, guerrière et agricole. La loi de 1851 avait consacré les droits de propriété et de jouissance existant au temps de la conquête; mais la jouissance mal définie était demeurée incertaine. Le moment est venu de sortir de cette situation précaire. Le territoire des tribus une fois reconnu, on le divisera par douars, ce qui permettra plus tard à l'initiative prudente de l'administration d'arriver à la propriété individuelle. Maîtres incommutables de leur sol, les indigènes pourront en disposer à leur gré et de la multiplicité des transactions naîtront entre eux et les colons des rapports journaliers plus efficaces pour les amener à notre civilisation que toutes les mesures coercitives.

" La terre d'Afrique est assez vaste, les ressources à y développer sont assez nombreuses pour que chacun puisse y trouver place et donner un libre essor à son activité, suivant sa nature, ses mœurs et ses besoins. Aux indigènes l'élevage des chevaux et du bétail, les cultures naturelles du sol. A l'activité et à l'intelligence européennes l'exploitation des forêts et des mines, les dessèchements, les irrigations, l'introduction de cultures perfectionnées, l'importation de ces industries qui précèdent ou accompagnent toujours les progrès de l'agriculture. Au gouvernement local le soin des intérêts généraux, le développement du bien-être moral par l'éducation, du bien-être matériel par les travaux publics. A lui le devoir de supprimer les réglementations inutiles et de laisser aux transactions la plus entière liberté. En outre, il favorisera les associations de capitaux européens, en négligeant désormais de se faire entrepreneur d'émigration et de colonisation, comme de soutenir faiblement des individus sans ressources, attirés par des concessions gratuites.

" Voilà, Monsieur le Maréchal, la voie à suivre résolument, car, je le répète, l'Algérie n'est pas une colonie proprement dite, mais un royaume arabe. Les indigènes ont, comme les colons, un droit égal à ma protection, et je suis aussi bien l'empereur des Arabes que l'empereur des Français.
Cette lettre témoignait d'un état d'esprit nettement défavorable à la colonisation de peuplement. Plus de concessions gratuites, plus de colons pauvres, plus d'intervention administrative. Qu'on laisse faire les capitaux et que l'élément européen se confine dans le rôle de banquier, d'industriel, d'ingénieur ou d'initiateur de cultures spéciales; les cultures alimentaires et le sol qui les porte doivent rester aux indigènes.

 
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