" J'ai chargé le maréchal
Randon, disait l'Empereur dans sa lettre au maréchal
Pélissier, de préparer un projet de sénatus-consulte dont
l'article principal sera de rendre les tribus ou fractions de
tribus propriétaires incommutables des territoires qu'elles
occupent à demeure fixe et dont elles ont la jouissance
traditionnelle à quelque titre que ce soit. " Le projet
de sénatus-consulte, élaboré par le Conseil d'État, fut
discuté par le Sénat le 8 avril et les jours suivants. Le
comte de Casabianca, rapporteur, s'attacha à rassurer les
colons : " L'avenir de la colonisation, dit-il, n'est
point menacé par la constitution de la propriété dans les
mains des Arabes. Les colons la sollicitent eux-mêmes avec
instance et voudraient qu'elle fût immédiate. L' État ne se
dessaisit point par le sénatus-consulte des terrains qui
pourraient plus tard être livrés aux colons. Les 4 ou 500
000 hectares qui leur ont été concédés dans l'espace de
plus de vingt ans ne sont pas encore entièrement défrichés.
Le domaine en possède 900 000 autres, destinés à des
concessions nouvelles et il peut en outre, par voie
d'expropriation, dans les cas prévus par la loi et moyennant
une juste et préalable indemnité, opérer sur le territoire
des Arabes toutes distractions qui deviendraient nécessaires.
"
M. Ferdinand Barrot, tout en approuvant la constitution de
la propriété indigène, observa qu'il redoutait, sinon
l'esprit véritable du sénatus-consulte, du moins celui que
certaines gens lui prêtaient. Il prit la défense des colons
: " A côté de ces enfants de notre adoption que vous
traitez avec une si grande magnanimité et une si infinie
indulgence, il y a les enfants de notre sang, que la France a
appelés sur cette terre. Ceux-là vous demanderont leur part
de justice et de sympathie. D'où vient qu'il est nécessaire,
jusque dans cette enceinte, de protester contre l'injuste
dédain dont ils ont été l'objet et contre les
appréciations venues du dehors, appréciations mêlées
d'erreurs si criantes que cela les fait ressembler à des
calomnies ? " Le général de La Rue fit ensuite l'éloge
des Arabes, qui selon lui s'apprêtaient à entrer dans la
voie de la civilisation; il demanda le rappel des préfets et
leur remplacement par des généraux. Le général
Cousin-Montauban parla dans le même sens. |