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Le 13 avril, le Sénat entendit un discours de Michel Chevalier. Il
rappela l'existence d'un marché des terres aux États-Unis : "
J'aurais voulu trouver, dit-il, dans le sénatus-consulte, le germe
de quelque chose de ce genre. Mais il n'offre rien de semblable. J'y
trouve une concession considérable faite aux Arabes et qui est plus
qu'ils n'auraient osé espérer. J'y cherche en vain, il faut bien
le dire, la preuve d'une grande sollicitude, je ne dirai pas pour
les colons actuels, mais pour les colons à venir. Ce qu'il faut
pour faire de l'Algérie une terre française, c'est une forte
population européenne. Or, a-t-on fait dans le sénatus-consulte
quelques réserves pour encourager cette population à venir
s'établir en Afrique sous le drapeau français? Nullement. Rien n'a
été prévu dans ce but, rien n'a été préparé. Vous avez, à ce
qu'on dit, 900 000 hectares à offrir à ces colons si désirables.
Ces 900 000 hectares sont-ils bien réellement prêts à être
vendus? Je ne le pense pas. Il n'existe pas un bureau où les colons
venus des départements français, ou de Suisse, ou d'Allemagne, ou
de tout autre autre pays d'Europe, puissent choisir et acquérir les
terres à leur convenance, en disant : voici mon argent, je prends
tel lot. Vous n'avez rien de pareil et c'est là ce qu'il faudrait
que vous eussiez. Neuf millions d'hectares sont abandonnés aux
Arabes par le sénatus-consulte; sur ces neuf millions, il y en a
deux sur lesquels il ne peut y avoir la moindre contestation, ce
sont les terres actuellement cultivées par eux; il aurait été
possible, facile même de faire entrer tout de suite dans la
propriété individuelle ces deux millions d'hectares. Quant aux
sept autres millions qu'on leur abandonne, je répète qu'on a été
bien généreux, qu'on aurait pu en réserver une partie. "
Après les discours de M. Baroche, ministre, président du Conseil
d'État, et du général Charon, le projet de sénatus-consulte fut
voté à une grande majorité; il y eut seulement deux voix contre
et quelques abstentions.
Le sénatus-consulte du 22 avril 1863 déclarait les tribus de
l'Algérie propriétaires des territoires dont elles avaient la
jouissance permanente et traditionnelle à quelque titre que ce
fût. Il devait être procédé administrativement et dans le plus
bref délai : 1° à la délimitation du territoire des tribus; 2°
à leur répartition entre les différents douars de chaque tribu;
3° à l'établissement de la propriété individuelle entre les
membres de ces douars, partout où cette mesure serait jugée
possible et opportune. Un règlement d'administration publique
détermina les formes à suivre pour procéder à ces opérations et
des instructions générales précisèrent les vues de l'Empereur.
Le sénatus-consulte n'était pas seulement une loi sur la
propriété : c'était un grand bouleversement politique et social,
aboutissant à la dissolution de la tribu.
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