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  L'ALGÉRIE SOUS LE SECOND EMPIRE (1851-1870)  
     
   Le douar-commune, unité administrative, était appelé à remplacer la tribu, unité politique et sociale; le plus souvent, d'une tribu on fit deux douars-communes, auxquels on ne conserva même pas le nom de la tribu mère, qui fut effacé de la carte. Le but final était l'établissement de la propriété individuelle, avec, comme conséquence, la disparition du pouvoir des grands chefs, de l'aristocratie indigène.

C'était bien là effectivement ce qu'on avait cherché : 
" Le gouvernement, disait le général Allard dans l'exposé des motifs du sénatus-consulte, ne perdra pas de vue que la tendance de sa politique doit être l'amoindrissement de l'influence des chefs et la désagrégation de la tribu. " - " Par la tribu, disait à son tour M. de Casabianca, le peuple arabe est livré à l'arbitraire des chefs, à leur domination civile et religieuse qui le rend incapable de tout progrès; c'est la tribu qui depuis des siècles maintient ce peuple dans l'ignorance et l'incurie; c'est par elle que la terre reste inculte, que les forêts disparaissent, que le bétail s'amoindrit, que l'industrie agricole est impossible, le progrès moral nul, la barbarie perpétuée. " 
Jules Duval était également de cet avis : " Seuls, écrivait-il, l'individu et la famille indigènes ont droit à notre protection; la tribu, forme accidentelle et périssable, obstacle à l'appropriation du sol, base du pouvoir et de la fortune des chefs, doit se transformer ou disparaître. " Le sénatus-consulte de 1863 a détruit l'organisation mi-patriarcale, mi-féodale des indigènes; instrument de pulvérisation sociale, il nous a mis en présence, selon le mot de M. Jules Cambon, d'une poussière d'hommes, d'un troupeau sans bergers.

L'administration locale était peu favorable à l'application rapide du sénatus-consulte, qu'elle jugeait de nature à ouvrir une crise profonde dans la société indigène. Les opérations furent au début très lentes; on les suspendit même et les instructions définitives du gouverneur général ne furent envoyées que le 1er mars 1865. Jusqu'en 1870, on délimita seulement les tribus et les douars; à cet égard, des résultats importants furent obtenus. Les opérations portèrent sur 8 millions d'hectares, 372 tribus, 667 douars. La superficie ainsi délimitée comprenait 1 million d'hectares de biens communaux, 3 millions d'hectares de propriétés privées (terres dites melk), 1 500 000 hectares de terres collectives, 1 million d'hectares revenant à l'État. Mais la troisième opération prévue par le sénatus-consulte, la constitution de la propriété individuelle, ne fut nulle part entamée. Or, comme la loi avait décidé que les terres seraient inaliénables jusqu'à la délivrance des titres constatant la propriété privée, une masse de biens-fonds était immobilisée, les transactions foncières arrêtées, la colonisation paralysée.

 
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