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  L'ALGÉRIE SOUS LE SECOND EMPIRE (1851-1870)  
     
   Pour la colonisation, si elle n'a pas prospéré autant qu'on pouvait le désirer, c'est qu'on s'est écarté des vrais principes de l'économie politique, à savoir la liberté des transactions commerciales et industrielles, l'organisation du crédit, la concentration de la population dans des lieux propices, la simplification de l'administration et le développement des travaux publics. L' Empereur suggère de concentrer la population européenne sur le littoral; autour des chefs-lieux, au lieu de l'éparpiller sur toute la surface du territoire ; il désapprouve la création artificielle de centres européens et les concessions gratuites. Quant à l'occupation militaire, s'appuyant sur l'autorité de Bugeaud, il recommande de réduire autant que possible le nombre des postes, de ne confier les fonctions délicates de chefs de bureau arabe qu'à des officiers expérimentés, de les subordonner au commandement, de leur demander moins d'administration et plus de politique; d'augmenter le nombre et l'effectif des bataillons de turcos : " En réalisant ce programme, conclut l'Empereur, nous obtiendrons, je l'espère, l'apaisement des passions et la satisfaction des intérêts. L'Algérie ne sera plus alors un fardeau pour nous, mais un nouvel élément de force. Les Arabes, contenus et réconciliés, nous donneront ce qu'ils peuvent nous donner le mieux, des soldats; et la colonie, devenue florissante par le développement de ses richesses territoriales, créera un mouvement commercial éminemment favorable à la métropole. "

La Lettre de l'Empereur renferme un certain nombre d'idées justes et de vues intéressantes, bien que parfois un peu confuses. Peut-être Urbain y a-t-il collaboré; on y reconnaît cependant le style un peu pâteux et rempli de germanismes de l'impérial écrivain. C'est la brochure d'un publiciste plutôt que d'un chef d'État. La formule désormais célèbre : " L'Algérie est un royaume arabe, une colonie européenne et un camp français " n'est pas très heureuse, quoiqu'elle se comprenne mieux si on la replace dans l'ensemble du texte. La vérité est que l'Algérie est une colonie française à la prospérité de laquelle doivent collaborer les colons, les indigènes et l'armée. L' Empereur ne voyait guère que l'intérêt indigène et l'intérêt militaire; la colonisation ne fut jamais pour lui une conviction.
 
La lettre de l'Empereur fut accueillie très froidement, aussi bien en France qu'en Algérie. Les colons, dont Warnier et Jules Duval étaient les porte-parole, protestèrent énergiquement. Le duc d'Aumale, dans une brochure anonyme, joignit ses critiques aux leurs. Il fit remarquer qu'il était curieux de voir le souverain prendre le rôle de l'opposition et dénoncer les erreurs de son gouvernement, les fautes de ses agents; il estimait que, sur beaucoup de points, l'Empereur avait jugé trop vite; le prestige exercé sur lui par les hauts barons de la société arabe lui paraissait exagéré :

 
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