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Il plaçait à la base de la
politique de rapprochement les oeuvres d'assistance et
d'enseignement : « Je suis votre père, disait-il aux
indigènes, même si vous ne me reconnaissez pas pour tel.
Je vous aime comme mes enfants. »
Lavigerie était partisan de la colonisation, hostile au
gouvernement militaire, au royaume arabe, aux bureaux
arabes. Un jour, à Maison-Carrée, invité à bénir des
charrues à vapeur qu'on allait expérimenter, après des
discours officiels qui ne renfermaient que les banalités
d'usage, il monta sur une chaise et, devant les
fonctionnaires atterrés et les colons enthousiastes qui
acclamaient le jeune archevêque, il prononça une
allocution inattendue : « L'Algérie, disait-il, possède
tous les éléments de vitalité, de prospérité, de
richesse ; s'il lui manque quelque chose, c'est seulement
une confiance plus grande dans la libre expansion de sa
force. Je demande à la France pour l'Algérie des libertés
plus larges. Nulle part elles ne sont plus nécessaires que
dans un pays nouveau et pour des populations entreprenantes
et hardies ». « Comme homme et comme Français,
écrivait-il quelques mois après, je m'associe aux vœux
unanimes des colons de mon diocèse et je désire avec eux
la modification d'un système qui étouffe toute initiative
et toute liberté. » |
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L' ENQUÊTE
AGRICOLE DE 1868 |
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La famine de 1868 était due
aux circonstances atmosphériques et au manque de pluie. On
s'en prit néanmoins à l'administration : on fit à cette
occasion le procès du gouvernement militaire et du royaume
arabe. On avait commis, disait-on, une faute grave en
cristallisant la société indigène au lieu de la faire
évoluer. Le mal venait de l'état social dans lequel
vivaient les indigènes; si on avait constitué la
propriété individuelle, on eût évité ces malheurs.
Surtout on fit remarquer que les indigènes avaient été
beaucoup moins éprouvés par la disette en territoire
civil, c'est-à-dire partout où il y avait des colons
européens; l'exemple des colons les avait incités à mieux
cultiver leurs terres et ils avaient trouvé du travail dans
les centres européens; la colonisation n'était donc pas
nuisible aux indigènes, bien loin de là. Les partisans du
régime militaire incriminaient au contraire la
colonisation, qui, disaient-ils, avait pris les meilleures
terres; la désorganisation de la société indigène, qui
mettait les chefs et les zaouïas hors d'état de remplir
leurs anciens devoirs d'assistance. Il y avait eu autrefois,
à côté des silos renfermant les récoltes des
particuliers, des dépôts destinés aux pauvres.
Désormais, les indigènes exportaient leur blé et
dépensaient leur argent. Pour remédier à cet état de
choses, des silos de réserve furent créés dans un grand
nombre de cercles et la première société de prévoyance
indigène fut organisée à Miliana en 1869 par le général
Liébert. |
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