Les citadins, ceux d'Alger en particulier, veulent l'exercice pour
les citoyens français habitant l'Algérie de tous leurs droits
politiques et notamment du droit d'élire des députés au Corps
législatif ; la substitution du régime civil au régime militaire
; la division de l'Algérie en départements relevant du ministère
de l'Intérieur ; l'élection des conseils généraux; la
suppression des commandements confiés aux chefs indigènes. Les mêmes vœux sont formulés par les habitants de Boufarik,
par ceux de Tlemcen : « Puisque le gouvernement français vous a
envoyés pour vous enquérir de nos vœux, dites-lui que nous
demandons seulement de bonnes lois et que nous n'en savons pas de
meilleures que celles à l'ombre desquelles nous naquîmes en
France. Qu'on nous les donne, qu'on nous les rende et avec elles
nous saurons conduire l'Algérie vers les destinées qu'elle
mérite. » « Ce qu'il faut impérieusement avant toutes choses,
dit un colon de Mondovi, c'est, pour nous Français, l'assimilation
par la nomination à l'élection de députés, de conseillers
généraux, par la promulgation des lois de la mère patrie ; pour
les Arabes, l'affranchissement par la constitution immédiate de la
propriété individuelle et de la commune et par l'application du
Code Napoléon. » Les habitants de Constantine s'expriment d'une manière identique,
insistant sur la nécessité de la constitution immédiate de la
propriété individuelle chez les indigènes. Un seul des
déposants, M. Cély, propriétaire à Oran, se déclare adversaire
de l'assimilation et partisan de l'autonomie. Un autre, M. Ricard,
de Jemmapes, prend la défense de l'administration militaire,
l'Algérie ne lui paraissant pas mûre pour qu'on en confie
exclusivement la direction à des fonctionnaires civils tant qu'on
n'y aura pas établi un million d'Européens. Mais ce sont là des
voix tout à fait isolées.
Lorsque l'enquête prit fin, un Algérien dit au comte Le Hon :
« C'est maintenant que votre tâche commence, vous allez devenir
notre député. » Le président de la Commission d'enquête
intervint en effet à maintes reprises en faveur de l'Algérie au
Corps législatif. Dans la discussion du budget de l'Algérie en
1869, il demanda que tout le territoire auquel avait été appliqué
le sénatus-consulte de 1863 fût déclaré territoire civil et que
les conseils généraux fussent élus. Quelques semaines plus tard,
dans les séances des 13 et 14 avril, il réclama la prédominance
de l'élément civil en Algérie. Selon lui, le dépérissement des
indigènes provenait du khammessat et de la propriété collective;
la transformation des fellahs en petits propriétaires et
l'extension de la colonisation européenne, telles étaient les deux
ancres de salut. On avait décomposé la société indigène et on
n'avait pas remplacé ce qu'on avait détruit. Il fallait nous
assimiler les Arabes en commençant par les tribus les plus voisines
du territoire civil, le contact des Européens et des indigènes
étant le plus puissant moyen de civilisation.
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