Page précédente HISTOIRE DES COLONIES FRANÇAISES - Tome2 - Retour page Table des matières ALGÉRIE - LIVRE III  - CHAP. 3 Page suivante
  L'ALGÉRIE DE 1870 à 1890  
     
   Ces départements étaient administrés par des préfets, sous les ordres desquels étaient placés les généraux de brigade, revanche un peu puérile du décret de 1864. Au gouvernement militaire fut substitué le gouvernement civil; le fonctionnaire centralisant à Alger le gouvernement et l'administration reçut le titre de gouverneur général civil des trois départements de l'Algérie. Le général commandant les armées de terre et de mer ne conserva d'autorité que sur le territoire militaire. A côté du gouverneur étaient placés un Comité consultatif et un Conseil supérieur de gouvernement. La représentation parlementaire était rétablie. Le principe général dont on s'était inspiré était l'assimilation complète de l'Algérie à la France, assimilation poussée jusqu'à l'extrême, jusqu'à l'absurde. On s'engageait ainsi dans une voie entièrement différente de celle de l'autonomie partielle et de la décentralisation administrative qu'avait préconisées la Commission Armand Béhic. Ces mesures, comme le fit remarquer M. Crémieux, étaient d'ailleurs conformes aux vœux maintes fois exprimés par les Algériens, mais eux-mêmes devaient par la suite en ressentir tous les inconvénients.
Un autre décret, également daté du 24 octobre, avait pour objet la naturalisation en masse et sans condition des Israélites indigènes. Un projet de loi dans ce sens avait été présenté au Conseil d'État dans les derniers temps de l'Empire; Émile Ollivier, répondant à une question de Crémieux, avait déclaré que le gouvernement était parfaitement résolu à effectuer cette naturalisation. Crémieux, " tout à la joie, une des plus grandes de sa vie, de donner à 30 000 de ses coreligionnaires le titre de citoyen français ", n'hésita pas un instant, et, sans avoir consulté ni les autorités civiles et militaires de l'Algérie, ni le consistoire israélite, prit la mesure qui lui tenait si fort à cœur. D'autres décrets étaient relatifs à l'institution du jury, à l'exercice de la profession d'avocat et à une foule d'autres objets.

Ces décrets étaient à tout le moins inopportuns. La situation de l'Algérie commandait les plus grands ménagements vis-à-vis des musulmans. Ils connaissaient nos malheurs, ils savaient que la plus grande partie des défenseurs de la colonie avait dû partir pour entrer en ligne contre les Prussiens et que le reste se préparait à les suivre. Le décret Crémieux ne fut pas, ainsi qu'on l'a prétendu, le motif déterminant de l'insurrection indigène de 1871, mais il servit de thème aux agitateurs. On déclara aux musulmans que c'était un Juif qui gouvernait désormais la France et l'Algérie, que le régime civil était imposé par un Juif et qu'ils seraient désormais justiciables de jurés juifs.
M. Crémieux était très fier de son oeuvre : " Aujourd'hui, disait-il, nos décrets ont assimilé l'Algérie à la France à ce point que tout le territoire de l'Algérie forme trois départements dans nos départements, au sein desquels nos décrets les ont placés à leur rang alphabétique; les bureaux arabes sont sous l'autorité du ministre de l'Intérieur, les sièges des divisions militaires sont séparés du siège des préfectures occupant les chefs-lieux.

 
  382  
Page précédente Retour page Table des matières Page suivante