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  L'ALGÉRIE DE 1870 à 1890  
     
   « L'amiral, écrit un de ses contemporains, est de taille moyenne et le plus souvent marche les mains dans ses poches, tranquille, abandonné. La tête est alors légèrement baissée. C'est qu'en se promenant, il travaille. Mais se met-il à causer le soir dans son salon, la tête se relève, toute la physionomie s'éclaire. Le geste est prompt et d'une soudaine éloquence, le visage d'une rare expression. Le front, large, bombé, s'avance en saillie. Des cheveux longs, bouclés, gris et châtains, retombent tout autour. Très enfoncés sous l'arcade sourcilière, les yeux petits, très vifs, pétillent d'intelligence et de malice. La bouche sourit avec une bonhomie et une naïveté narquoises. Ce marin est un diplomate et s'est révélé aussi expert et aussi serré qu'un homme d'affaires. » Esprit large et caractère énergique, Gueydon fut un des meilleurs gouverneurs qu'ait eus l'Algérie et un de ceux qui ont laissé les meilleurs souvenirs.
L'amiral de Gueydon fut d'abord assez mal accueilli. On le considérait comme le représentant de la réaction versaillaise; on déplorait l'incapacité probable d'un gouverneur que sa qualité de marin semblait devoir rendre impropre aux affaires civiles. Ces préventions s'effacèrent vite. L'installation du gouvernement général civil, même avec un titulaire militaire, n'alla pas sans heurts. D'abord, l'amiral voulut ressaisir le commandement des forces de terre et de mer, qui lui avait été enlevé; il rencontra des résistances à Paris au ministère de la Guerre. Il eut aussi des difficultés avec les députés de l'Algérie, qui étaient alors MM. Alexis Lambert, Jacques, Vuillermoz, Lucet, Warnier et Colas; avec les conseils municipaux, en particulier avec celui d'Alger. Il fut soutenu par M. Tassin, son directeur des affaires civiles, par M. Fournier, directeur de l'Algérie au ministère de l'Intérieur, surtout par M. Thiers, qui lui offrit même un ministère de l'Algérie. L'amiral refusa : « Monsieur le Président, dit-il, vous êtes un opiniâtre, mais je suis un entêté. Nous ne siègerions pas une demi-heure en face l'un de l'autre sans nous jeter les encriers à la tête. Croyez-moi, laissons la Méditerranée entre nous. » Et il écrivait à M. Fournier : «Un ministère à Paris, un commandant en chef de corps d'armée à Alger, ce serait la mort de ce pays. Avant six mois, le ministère disparaîtrait et une fois encore l'Algérie serait occupée militairement. Nous touchons au but, de grâce ne changeons rien. »

L'amiral de Gueydon déclarait ne pas croire à la possibilité de l'assimilation des indigènes : «L'élément français, disait-il, doit être l'élément dominant, c'est à lui seul qu'appartient la direction de l'administration du pays. Ni l'élément indigène, arabe ou israélite, ni l'élément étranger ne peuvent prétendre à une influence ou à une part quelconque dans la direction politique ou administrative du pays ; la naturalisation doit être la seule voie ouverte aux résidents non-français pour exercer les droits de citoyens. »

 
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