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C'est au gouvernement du général Chanzy (arrêté du 24 décembre
1875) qu'il faut faire remonter sinon l'origine, du moins le
développement d'une des institutions les plus intéressantes de
l'Algérie, celle des communes mixtes. Cette dénomination apparaît
pour la première fois dans un décret du 20 mai 1868 portant sur
l'organisation municipale en territoire militaire. Les communes
mixtes, dit le décret, comprennent les centres de population
habités à la fois par des indigènes et par des Européens et qui,
possédant des ressources propres, ne renferment pas encore une
population européenne suffisante pour être érigés en communes de
plein exercice. Après une période de transition sous l'amiral de
Gueydon, caractérisée par la création d'une série de rouages qui
ne furent pas conservés, notamment de circonscriptions cantonales,
la commune mixte subsista seule, implantée du territoire militaire
dans le territoire civil.
Le général Chanzy constata que la circonscription cantonale avait
disparu pour faire place à la commune mixte, et le fonctionnaire
placé à la tête de cette circonscription prit le titre
d'administrateur de commune mixte. Mais, depuis 1868, la conception
s'était modifiée; par suite de l'extension du territoire civil, la
commune mixte englobait désormais non seulement les régions où la
population européenne s'était déjà installée, mais encore les
douars et les tribus qui passaient sous l'administration civile.
C'étaient de vastes circonscriptions administratives formées des
territoires non encore colonisés, ayant l'étendue moyenne d'un
arrondissement de France. Elles constituent comme le fond de la
carte du pays; sur ce fond, les communes de plein exercice sont
disséminées comme des taches. En somme, les communes mixtes
remplacent les anciens cercles militaires et les administrateurs de
commune mixte les officiers des bureaux arabes; ils furent
d'ailleurs souvent en butte aux mêmes attaques que leurs
prédécesseurs et comme eux suspects soit d'arbitraire, soit d'arabophilie.
"L'institution des communes mixtes, dit le général Chanzy,
était un progrès incontestable; on ne pouvait songer à constituer
des conseils électifs en présence de la majorité imposante des
indigènes, mais on pouvait habituer tous ces éléments divers à
l'organisation municipale. Le personnel administratif fut appelé à
fournir des maires; on leur choisit des adjoints dans la population
civile ou indigène et on plaça à côté d'eux, pour tenir lieu de
conseil municipal, une commission composée de notables. "
Le général Chanzy entra en conflit avec la députation
algérienne, avec les préfets et avec les municipalités, dont les
interventions lui paraissaient de nature à nuire au bon ordre et à
la bonne administration; la presse envenima les choses, le
gouverneur s'énerva et en 1874 il déclara la commune d'Alger en
état de siège. Cette mesure, dont on contesta la légalité,
produisit une vive émotion.
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