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  L'ALGÉRIE DE 1870 à 1890  
     
   Sur les instances de la représentation algérienne, M. Albert Grévy, frère du Président de la République, fut nommé gouverneur général. Le chef de la colonie étant pour la première fois un civil, il fallait prendre un parti touchant ses rapports avec les autorités militaires. On s'en tira en supprimant le poste de commandant des forces de terre et de mer. Le commandant du XIXème corps d'armée, qui fut le général Saussier, était placé sous les ordres du gouverneur.
M. Albert Grévy eut deux préoccupations dominantes : la réaction contre le régime militaire et l'assimilation. Il reprit contre le régime militaire les critiques violentes de Crémieux. Il voulut faire passer sous l'administration civile tout le Tell et une partie des hauts plateaux; en 1880, plus d'un million d'indigènes et 5 millions d'hectares furent rattachés au territoire civil; les communes mixtes reçurent une extension considérable par l'arrêté du 27 septembre 1880, qui substitua dans tout le Tell les administrateurs civils aux officiers de bureau arabe.

M. Albert Grévy demandait d'autre part l'assimilation complète et immédiate de l'Algérie à la France : " Pourquoi, disait-il, édicter une loi organique spéciale pour un pays qu'il s'agit précisément de soumettre au droit commun? " Une Commission spéciale nommée en 1880 pour étudier la question se prononça dans le même sens. Les décrets du 26 août 1881 marquèrent l'apogée de la politique d'assimilation. Dans ce système, tous les services, même la justice musulmane, sont rattachés aux ministères français correspondants. Les affaires algériennes se trouvent ainsi réparties entre huit ministères. Le gouverneur général ne prend de décisions qu'autant qu'il en a reçu une délégation du ministre; encore doit-il, aussitôt une mesure prise, en rendre compte. Il n'est plus qu'un agent de transmission ; il est chargé de provoquer les mesures nécessaires et de les exécuter quand elles sont prises. A la responsabilité déjà bien fictive du ministre de l'Intérieur, on substitue la responsabilité éparpillée de chacun des membres du cabinet. Les affaires tombent entre les mains de fonctionnaires subalternes, incapables de résister aux influences parlementaires ou autres. La solution des affaires est indéfiniment retardée par les bureaux de Paris. A force de répéter : " L'Algérie est un prolongement de la France, l'Algérie forme trois départements français ", on finit par s'imaginer qu'on pouvait administrer 4 millions de musulmans berbères comme des paysans normands ou des vignerons bordelais.
Ces décrets étaient l'œuvre des représentants de l'Algérie au Parlement, désireux de traiter les affaires avec les chefs de service des ministères en dehors du gouverneur et par-dessus sa tête. La prétention d'administrer de Paris notre colonie africaine devait conduire et conduisit en effet à des conséquences absurdes.

 
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