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  L'ALGÉRIE DE 1870 à 1890  
     
   Le gouvernement général n'était plus que la façade d'un édifice sans fondements. Pour la solution des questions de l'ordre administratif le plus infime, il fallait en référer aux ministres ou plutôt à leurs bureaux. Toutes les affaires algériennes, même les plus courantes, se traitaient à Paris. Les solutions s'improvisaient, parfois se contredisaient, souvent se faisaient attendre ou même restaient dans la plume des employés. Il n'y avait dans chaque ministère que des poussières d'attributions algériennes et des poussières de responsabilités. Tout le monde s'occupait de l'Algérie, mais bien peu s'y intéressaient. Par la faute des institutions, aucune vue d'ensemble, nulle perspective d'avenir ne présidait plus au gouvernement de notre possession algérienne. " A Alger, dit M. Jonnart, la plupart des grands chefs de service vivaient à côté du gouverneur général sans le connaître; ils ne relevaient en aucune façon de lui; ils correspondaient directement avec les ministres dont ils dépendaient, si bien qu'on pouvait comparer les services algériens aux grandes maisons parisiennes où les locataires ne se connaissent que de vue et se saluent dans l'escalier. Au lieu de s'entraider, il arrivait à ces services, relevant de chefs différents, d'opposer pouvoir à pouvoir, compétence à compétence et alors les conflits éclataient, bruyants, nombreux, provoquant un échange de notes aigres-douces, administrativement rédigées mais pleines de révélations piquantes et de propos malins, qui rappelaient la scène de Célimène et d'Arsinoé dans le Misanthrope. Cela s'appelait la politique d'assimilation. "

C'est surtout en matière d'administration départementale et communale qu'on avait copié trop servilement l'organisation métropolitaine. L'application pure et simple à l'Algérie de la loi sur les conseils généraux avait été prématurée; la population indigène, qui supportait presque toutes les charges, était trop souvent sacrifiée, l'administration contrariée dans ses efforts pour réserver les crédits aux travaux utiles et en assurer l'emploi régulier. Les vices de l'organisation communale étaient plus graves encore. La loi municipale du 5 avril 1884 fut déclarée applicable à l'Algérie et donna aux communes de plein exercice le même régime qu'aux communes de la métropole. En même temps, l'autonomie communale était conférée à des centres de colonisation encore à l'état embryonnaire, trop peu importants pour vivre si on ne leur avait adjoint des territoires indigènes; on engloba donc dans les communes de plein exercice des douars ou des fractions de douars qui leur procurèrent une augmentation de recettes. En principe, la population musulmane n'aurait dû être admise au régime municipal de droit commun que dans la mesure de son voisinage immédiat et de son contact économique avec l'élément européen, en un mot dans la mesure où ses propres intérêts se confondaient réellement avec ceux de la ville ou du centre européen, comme c'était le cas dans les villes telles qu'Oran, Mostaganem, Tiaret, Guelma, etc.

 
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