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  L'ALGÉRIE DE 1870 à 1890  
     
   Ayant réorganisé sa mission, il quitta de nouveau Ouargla se dirigeant sur le Hoggar, malgré une lettre hautaine et menaçante de l'amenokal Ahitaghel : " Vous nous avez dit de vous ouvrir la route, écrivait celui-ci, nous ne vous l'ouvrirons pas. " Flatters ne tint aucun compte des avis peu rassurants qu'il recevait de toutes parts, notamment de M. Féraud, notre consul général à Tripoli et s'avança jusqu'au cœur du massif touareg. Le 16 février 1881, s'étant éloigné de son camp avec une faible escorte, il fut massacré avec ses compagnons au puits de Bir-el-Gharama. Les autres membres de la mission périrent dans une longue et douloureuse retraite, semant la route de leurs cadavres; mourant de faim, ils en étaient réduits à manger les corps de leurs compagnons, parfois même à achever les mourants pour les dévorer; des bandes de Touaregs rôdaient autour d'eux comme des hyènes, tantôt leur offrant des dattes empoisonnées avec de la jusquiame, tantôt leur disputant le passage. Une vingtaine d'indigènes seulement parvinrent à regagner Ouargla ; on ne comptait pas un seul Français parmi les survivants.

Le massacre de la mission Flatters n'a pas été un de ces accidents qui défient les prévisions humaines; il fut le résultat d'une erreur de méthode, qui ôtait à la mission toute force militaire sans désarmer les défiances et les convoitises. L'émotion fut grande en France et en Algérie quand on apprit l'issue tragique de cette entreprise. Les conséquences en furent encore aggravées par la décision prise par le gouvernement de renoncer à châtier les coupables. Le Sahara fit d'autres victimes dans les années qui suivirent : en 1881, les Pères blancs Richard, Morat et Pouplard ; en 1886, le lieutenant Palat ; en 1889, l'explorateur Camille Douls. L'idée du transsaharien fut momentanément abandonnée et, pour clore la grande enquête ouverte par M. de Freycinet en juillet 1879, le conseil général des Ponts et Chaussées, dans sa séance du 21 juin 1881, émit l'avis que, "puisque l'entreprise du transsaharien ne pouvait être abordée que lorsqu'on aurait occupé d'une manière permanente et définitive le Sahara algérien, il y avait lieu d'ajourner toute décision sur le choix d'une ligne pour amorce de ce chemin de fer et de ne donner suite aux avant-projets qu'autant que l'exécution en serait réclamée dans un intérêt politique ou stratégique. "
Le désastre de la mission Flatters porta une grave atteinte à notre prestige dans le Sahara; l'audace de nos adversaires en fut accrue. L'insurrection qui éclata en 1881 dans le Sud-Oranais ne fut d'ailleurs que la suite de celle de 1864, qui ne s'était jamais complètement éteinte. Un marabout appartenant à la famille des Ouled-Sidi-Cheikh, Bou-Amama, établi à Moghrar, poussa les indigènes à la révolte. Le 14 mai, il s'avança audacieusement jusqu'à la limite nord des hauts-plateaux oranais, brûlant les chantiers d'alfa de Khalfallah près de Saïda et massacrant les travailleurs espagnols.

 
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