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Chemin faisant, Burdeau
critiquait assez vivement les méthodes de la colonisation
officielle, le réseau ferré de l'Algérie et la manière
dont il avait été conçu, l'administration des indigènes.
Ces critiques furent reprises et accentuées l'année sui
vante par M. Jonnart dans un rapport non moins célèbre. Il
insistait sur la nécessité de maintenir et de fortifier le
gouvernement général, indispensable pour imprimer à
l'organisme algérien une impulsion d'ensemble et pour être
l'arbitre du conflit d'intérêts qui met fatalement aux
prises la colonisation européenne avec les usages et les
droits des indigènes. Il établissait fortement les périls
de l'assimilation administrative et de la centralisation
exagérée; il dénonçait les inconvénients graves de
l'organisation départementale et communale, servilement
copiée sur l'organisation métropolitaine; il critiquait
non moins sévèrement que Burdeau le régime des chemins de
fer. La politique indigène retenait particulièrement son
attention :
« C'est notre devoir, disait-il, de prendre souci de
l'amélioration du sort des indigènes, de les amener
progressivement dans la grande famille française et, si la
fusion reste une chimère, d'opérer la réconciliation des
deux races. C'est notre devoir et c'est aussi notre
intérêt : si nous voulons asseoir notre conquête
d'Algérie sur une base indestructible et préparer le
succès de nos entreprises dans le centre africain, il est
indispensable que nous nous rattachions les musulmans
algériens par des liens moins fragiles que ceux qui
aujourd'hui les retiennent sous notre domination. » |
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LA COMMISSION DES
XVIII ET LA RÉACTION CONTRE LES RATTACHEMENTS |
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A la suite de l'ordre du jour
du 6 mars 1891, clôturant une interpellation développée
par MM. Dide et Pauliat, le Sénat avait décidé la
nomination d'une Commission de dix-huit membres chargée de
rechercher, de concert avec le gouvernement, les
modifications qu'il y avait lieu d'introduire dans la
législation et dans l'organisation des divers services de
l'Algérie.
La Commission des XVIII eut la bonne fortune d'avoir à sa
tête Jules Ferry, qui lui consacra ce qui lui restait de
force et de vie. L'homme d'État éminent auquel la France
doit la Tunisie, l'Indo-Chine et Madagascar, l'initiateur et
fondateur de notre nouvel empire colonial, se devait à
lui-même de s'occuper de l'Algérie. « Il a été, dit M.
Émile Combes, l'âme de la Commission, il lui a tracé le
programme de ses travaux avec une sûreté de vues qui l'a
préservée des tâtonnements et des écarts. Si quelques
personnes ont pu craindre tout d'abord qu'il ne sût pas
maîtriser assez vigoureusement la fougue de son caractère,
nous qui l'avons vu à l'œuvre, |
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