Quelques années plus tard, la Chambre des députés fut saisie de
la même question par une interpellation de M. Fleury-Ravarin. Les
séances des 8, 9 et 10 novembre 1896 furent consacrées à cette
interpellation; l'Assemblée entendit successivement MM.
Fleury-Ravarin, Forcioli, Samary, Thomson, Étienne, Viviani,
Barthou, ministre de l'Intérieur du cabinet Méline, Bourlier. Les
orateurs furent unanimes à faire le procès des rattachements; en
même temps qu'ils estimaient que les pouvoirs du gouverneur
général devaient être renforcés, ils demandaient comme
contre-partie l'institution d'un contrôle sous la forme d'un
conseil colonial élu. M. Jules Cambon, commissaire du gouvernement,
parla le dernier. Il cita un certain nombre d'exemples topiques qui
montraient les inconvénients et même les dangers du système de
1881 :
« Je crois, dit-il, que ce que demande M. FleuryRavarin et ce
que je demande moi-même est une chose bien simple et qui ne
constitue pas une tyrannie bien lourde; je demande que les
attributions qui sont aujourd'hui exercées à Paris, sous le
contrôle du ministre, par des directeurs généraux, par des chefs
de division et par des chefs de bureaux, soient exercées à Alger
par le gouverneur général. Je ne vois pas en quoi l'exercice de
ces attributions pèsera plus lourdement sur les populations et en
quoi elles seront changées dans leur essence parce qu'elles seront
remises aux mains du gouverneur général au lieu d'être laissées
à des chefs de bureau et à des chefs de division... Ce que nous
demandons, ce que nous croyons nécessaire, c'est de fortifier
l'autorité de celui qui représente en Algérie la République et
le gouvernement. Mais lorsque nous vous demandons de fortifier
cette autorité - j'insiste pour écarter complètement une
objection qui a couru la presse - nous vous disons aussi : mettez à
côté d'elle un contrôle plus fort, plus sérieux que celui qui
existe; dotez l'Algérie d'un Conseil élu, chargé uniquement des
affaires coloniales, des affaires locales, dans lequel vous ferez
entrer les représentants élus des colons et ceux des indigènes
eux-mêmes. »
L'ordre du jour motivé qui clôtura l'interpellation déclarait
que la Chambre, approuvant les efforts faits depuis quelques années
pour rétablir l'ordre dans l'administration algérienne, convaincue
que le système des rattachements édicté par les décrets du 26
août 1881 constituait un obstacle au bon fonctionnement des
services publics en Algérie et à la réalisation des réformes,
invitait le gouvernement : 1° à rapporter immédiatement ces
décrets et à réorganiser la haute administration de la colonie;
2° à déposer sans retard un projet de loi, tant pour constituer
le contrôle de l'administration de la colonie que pour régler la
composition et le fonctionnement du Conseil supérieur. »
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