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Un certain malaise continuait à
peser sur l'Algérie; il se traduisait par des émeutes
antijuives. Les causes de cette agitation étaient multiples
: causes politiques, sociales, économiques. Il n'y avait
là ni question de race, ni question de religion. Les
Algériens détestent surtout dans l'Israélite le
concurrent commercial ; une question électorale venait
envenimer les choses et c'est de préoccupations
électorales que s'inspiraient avant tout les campagnes
antijuives qui ont été menées à diverses reprises en
Algérie. Le droit de vote reconnu aux Israélites leur
donnait en certains cas, le corps électoral étant fort peu
nombreux, une influence prépondérante; on s'efforçait de
les mêler aux luttes des partis et leurs défenseurs leur
nuisaient souvent autant que leurs adversaires. Ce
n'étaient pas seulement les juifs qui pesaient lourdement
dans la balance électorale; la loi de 1898 sur la
naturalisation accordait le droit de cité à un grand
nombre d'étrangers, Espagnols surtout, comme le décret de
1871 l'avait accordé aux Israélites; les deux éléments,
encore incomplètement fusionnés, s'opposaient l'un à
l'autre. Tandis que les uns dénonçaient le « péril juif
», les autres signalaient le « péril étranger », et
montraient les dangers de l'afflux trop rapide dans les
cadres électoraux d'hommes que la loi avait déclarés
Français avant qu'ils eussent acquis la mentalité
française.
Les naturalisés, les Néo-Français comme on les appelait
à cette époque, ont incontestablement joué un grand rôle
dans le mouvement antijuif. Depuis 1871, la question juive
n'avait pas cessé d'avoir en Algérie un caractère aigu.
Des troubles antisémitiques s'étaient produits à Alger en
1871, à Tlemcen, Constantine, Sétif, Batna vers 1875-78;
à Alger, Constantine, Oran, Mostaganem en 1897. |
En janvier 1898, sous les excitations d'une presse
extrêmement violente, des émeutes antijuives éclatèrent
dans différentes villes de l'Algérie; les désordres
eurent un caractère particulièrement sérieux à Alger,
où, sous la conduite d'un jeune agitateur, Max Régis, les
émeutiers pillèrent et saccagèrent les boutiques, se
ruant à l'assaut des magasins israélites. Régis devenu
maire, Drumont élu député, étaient l'objet d'un
véritable culte; l'anarchie menaçait; la vie économique
était suspendue. M. Lépine, qui avait essayé de tenir
tête courageusement, comme il avait coutume de le faire à
Paris, se heurta à une foule hurlante. |
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