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  L'ALGÉRIE de 1890 à 1914. La renaissance coloniale.  
     
  
M. LÉPINE. Un certain malaise continuait à peser sur l'Algérie; il se traduisait par des émeutes antijuives. Les causes de cette agitation étaient multiples : causes politiques, sociales, économiques. Il n'y avait là ni question de race, ni question de religion. Les Algériens détestent surtout dans l'Israélite le concurrent commercial ; une question électorale venait envenimer les choses et c'est de préoccupations électorales que s'inspiraient avant tout les campagnes antijuives qui ont été menées à diverses reprises en Algérie. Le droit de vote reconnu aux Israélites leur donnait en certains cas, le corps électoral étant fort peu nombreux, une influence prépondérante; on s'efforçait de les mêler aux luttes des partis et leurs défenseurs leur nuisaient souvent autant que leurs adversaires. Ce n'étaient pas seulement les juifs qui pesaient lourdement dans la balance électorale; la loi de 1898 sur la naturalisation accordait le droit de cité à un grand nombre d'étrangers, Espagnols surtout, comme le décret de 1871 l'avait accordé aux Israélites; les deux éléments, encore incomplètement fusionnés, s'opposaient l'un à l'autre. Tandis que les uns dénonçaient le « péril juif », les autres signalaient le « péril étranger », et montraient les dangers de l'afflux trop rapide dans les cadres électoraux d'hommes que la loi avait déclarés Français avant qu'ils eussent acquis la mentalité française.
Les naturalisés, les Néo-Français comme on les appelait à cette époque, ont incontestablement joué un grand rôle dans le mouvement antijuif. Depuis 1871, la question juive n'avait pas cessé d'avoir en Algérie un caractère aigu. Des troubles antisémitiques s'étaient produits à Alger en 1871, à Tlemcen, Constantine, Sétif, Batna vers 1875-78; à Alger, Constantine, Oran, Mostaganem en 1897.
 
En janvier 1898, sous les excitations d'une presse extrêmement violente, des émeutes antijuives éclatèrent dans différentes villes de l'Algérie; les désordres eurent un caractère particulièrement sérieux à Alger, où, sous la conduite d'un jeune agitateur, Max Régis, les émeutiers pillèrent et saccagèrent les boutiques, se ruant à l'assaut des magasins israélites. Régis devenu maire, Drumont élu député, étaient l'objet d'un véritable culte; l'anarchie menaçait; la vie économique était suspendue. M. Lépine, qui avait essayé de tenir tête courageusement, comme il avait coutume de le faire à Paris, se heurta à une foule hurlante.
 
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