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Si bref qu'ait été son
séjour, son oeuvre est considérable; sans parler de la
question du Touat, dont il sera parlé plus loin, il avait,
par son tact et sa fermeté, rétabli l'ordre matériel et
amené les Algériens à une vue plus calme et plus
raisonnable des choses. Par la création des Délégations
financières, il avait contribué puissamment à
l'évolution qui éloignait l'Algérie du système de
l'assimilation, injuste pour les indigènes et
démoralisateur pour les Français. Il avait compris qu'au
moment où l'Algérie devenait majeure, il fallait se livrer
à un délicat travail d'équilibre et légiférer pour
chacun des groupes ethniques qui s'y coudoient sans se
confondre. Il avait préparé la solution du problème qui
consistait à donner à ce pays la disposition de ses
deniers sans rien sacrifier des droits imprescriptibles de
la mère-patrie, traduit en formules vivantes et précises
les aspirations et les espérances de l'Algérie, marqué
d'une empreinte ineffaçable son passage à la tête des
affaires de notre grande colonie. |
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M. JONNART
(1900-1901) ET LE BUDGET SPÉCIAL |
C'est M. Jonnart qui fut
appelé à la succession de M. Laferrière ; son premier
gouvernement ne dura que quelques mois (octobre 1900-mai
1901) ; comme son prédécesseur, il dut abandonner sa
tâche pour des raisons de famille et de santé. Mais il
devait revenir à deux reprises au gouvernement général,
de 1903 à 1911 et de 1918 à 1919.
Nul n'a accompli en Algérie une oeuvre plus considérable
que celle de M. Jonnart et n'y a laissé des traces plus
durables. Né à Fléchin (Pas-de-Calais) en 1857, il
descendait d'une vieille famille d'agriculteurs de la
région. Il avait vingt-quatre ans lorsqu'en 1881 M. Tirman,
appelé au gouvernement général de l'Algérie par
Gambetta, le choisit comme chef de cabinet. De 1885 à 1889,
il fut chef des services de l'Algérie au ministère de
l'Intérieur. Élu député en 1889, il fut dès 1893
appelé à faire partie du ministère Casimir-Périer comme
ministre des Travaux publics. Au Parlement, il ne cessa de
se préoccuper des questions algériennes; sa parfaite
connaissance des hommes et des choses de notre colonie lui
permit de rédiger son rapport de 1892 et lorsque, en 1900,
Waldeck-Rousseau lui confia le gouvernement général, il
lui fut donné d'appliquer le programme qu'il avait
lui-même tracé.
M. Jonnart est, de tous les gouverneurs de l'Algérie, celui
qui l'a le plus aimée. Au cours d'une carrière
exceptionnellement brillante, il a occupé avec distinction
les postes les plus considérables. Mais c'est dans sa
carrière africaine qu'il trouva l'emploi le plus fécond de
ses hautes qualités; c'est la partie de son oeuvre à
laquelle lui-même, non sans raison, attachait le plus de
prix. |
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