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  L'ALGÉRIE de 1890 à 1914. La renaissance coloniale.  
     
   « Nous savons, lui dit un jour un homme politique anglais, que vous avez été plusieurs fois ministre; mais beaucoup d'hommes en France ont été ministres dont les noms sont ignorés ou oubliés; celui que nous honorons en vous, c'est le grand proconsul, le grand gouverneur de l'Algérie. »
C'est en effet dans ces fonctions, avec lesquelles il s'était en quelque sorte identifié, que M. Jonnart donna vraiment sa mesure. L'Algérie n'était pas pour lui comme pour tant d'autres une étape à franchir plus ou moins rapidement; elle fut vraiment le centre de sa carrière et de ses préoccupations. C'était un homme d'un commerce sûr, une intelligence et un cœur d'une noblesse parfaite. Ce grand bourgeois, d'abord assez froid, mais qui savait être séduisant lorsqu'il le voulait, jouissait en Algérie d'une véritable popularité, aussi bien parmi les colons que parmi les indigènes; il pouvait tout obtenir d'eux. Peu d'hommes ont contribué autant que lui à la création d'une France nouvelle au delà de la Méditerranée, une des plus grandes oeuvres, la plus féconde peut-être, dont s'honore notre pays depuis un demi-siècle.
M. Jonnart s'était proposé avant tout de faire aboutir le budget spécial. Les pouvoirs les plus forts donnés au gouverneur, le plus large crédit consenti aux assemblées locales sont peu de chose pour le développement d'une colonie si elle n'a pas son budget ou si ce budget est consenti loin d'elle, sous des influences et des nécessités qui lui sont étrangères. Seule, la décentralisation budgétaire peut apporter à ceux qui administrent ou représentent un pays neuf ces deux facteurs essentiels du progrès : l'esprit d'initiative et l'esprit d'économie.
En octobre 1900, dans les conversations qui précédèrent sa nomination, M. Jonnart était intervenu personnellement auprès de Waldeck-Rousseau et l'avait converti à l'idée du budget spécial, dont Rouvier, ministre des Finances, ne voulait pas. Dans les premiers rapports qu'il adressa au président du Conseil, le gouverneur expliqua que les promoteurs du mouvement antijuif n'auraient jamais constitué une opposition redoutable s'ils n'avaient trouvé un terrain propice à leur propagande, une Algérie en plein malaise de croissance nerveuse, souffrant d'un régime administratif incohérent et trop souvent infécond, que les critiques du Parlement et les avertissements si pressants de M. Jules Cambon avaient à peine ébranlé. « Les peuples, disait M. Jonnart, sont comme les individus. Plus ils sont jeunes, ardents, débordants de vie, plus il faut les occuper. Il faut se garder de les abandonner au désœuvrement de leurs pensées et aux fantaisies de leur imagination. »
La loi du 19 décembre 1900, votée presque sans discussion sur un rapport de M. André Berthelot, conféra à l'Algérie la personnalité civile et lui donna un budget spécial. « On s'accorde aujourd'hui, disait l'exposé des motifs, à ne plus considérer l'Algérie comme un simple prolongement de la France continentale.
 
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