M. Laferrière avait attiré
l'attention sur les graves inconvénients des actes de
désordre dans une colonie dont la population n'était pas
entièrement française. Les événements ne devaient pas
tarder à lui donner raison. Le 26 avril 1901, le village de
Margueritte, situé à 9 kilomètres de Miliana, était
assailli par une bande d'insurgés appartenant à la tribu
des Rirhas ; l'instigateur du mouvement était un certain
Yacoub, employé d'un colon européen, qui se découvrit
tout à coup une vocation de prophète et d'illuminé; les
indigènes donnèrent aux Européens qu'ils rencontrèrent
le choix entre la conversion à l'islam et la mort; ceux qui
consentirent à coiffer la chéchia et à prononcer la
profession de foi musulmane furent épargnés. Une compagnie
de tirailleurs, envoyée de Miliana, mit bientôt fin aux
exploits de ces fanatiques; cinq Européens et seize
indigènes avaient été tués.
L'affaire de Margueritte, peu importante en elle-même,
était grave comme symptôme. Elle montrait que la
mentalité des indigènes n'avait guère changé et qu'ils
étaient encore disposés à suivre le premier agitateur qui
se présenterait. Elle prouvait que les querelles des
Européens sont pour les indigènes un fâcheux exemple et
que les Français d'Algérie, de même qu'en 1871, avaient
été imprudents en agissant comme s'ils n'étaient pas
entourés d'une population musulmane dix fois plus nombreuse
qu'eux. Elle témoignait, comme les troubles antijuifs
eux-mêmes, des inconvénients de l'incohérence
administrative, conséquence du système des rattachements.
Elle nous avertissait enfin que nous avions trop perdu de
vue le problème indigène, trop négligé nos devoirs de
surveillance et de tutelle. |