Le budget spécial a été l'instrument d'indéniables progrès.
Qu'il s'agit de colonisation, d'enseignement public, des oeuvres de
prévoyance, d'assistance et d'hygiène, de la conservation et de
l'exploitation des forêts, de l'organisation des territoires du
Sud, de l'exécution dans le Nord comme dans le Sud d'importants
travaux publics, le nouveau régime de décentralisation provoqua
d'heureuses initiatives et des solutions fécondes. Maîtresse de
son budget, l'Algérie pouvait désormais en toute sécurité
procéder à l'inventaire de ses ressources et de ses besoins,
formuler un programme d'ensemble, escompter l'avenir, coordonner et
sérier ses efforts et ses sacrifices.
Les assemblées algériennes montrèrent une prudence et une
sagesse exemplaires. " Nous ignorions, dit M. Jonnart, les
délégués financiers et moi, cette grande politique qui consiste
à se dresser de mutuelles embûches pour épuiser le meilleur de
son temps en vaines querelles et en débats stériles ; nous nous
complaisions dans cette pauvre petite politique bien modeste et peu
bruyante qui consistait à nous rapprocher et à nous donner la
main, à rechercher consciencieusement ensemble les meilleures
solutions, à associer nos faibles lumières et nos bonnes
volontés, à sacrifier au besoin quelques-unes de nos vues à
l'intérêt général et surtout au désir de concorde. Nous
estimions que le bruit ne fait pas de bien et que le bien ne fait
pas de bruit. Divisés, nous eussions été impuissants; c'est
seulement en restant unis, groupés, étroitement associés, que
nous avions quelque chance d'assurer le succès de nos démarches,
de protéger et de défendre utilement l'Algérie. Nous devions
rester unis pour favoriser l'épanouissement de toutes les forces
vives de ce pays, de toutes ses énergies latentes et pour justifier
la confiance et les espérances de la mère-patrie. "
La principale préoccupation des assemblées algériennes fut de
doter l'Algérie d'un budget sincère et solide; leur gestion fut
ordonnée, méthodique, prudente; cette oeuvre leur faisait d'autant
plus honneur qu'elle se poursuivait au milieu de réelles
difficultés économiques, notamment de graves crises viticoles. Les
forces contributives d'un pays en formation, où il y avait peu de
richesse acquise, où le sort de beaucoup de colons restait
précaire, exigeaient de grands ménagements. En dix ans, le budget
spécial fut aménagé, affermi, consolidé. La dotation annuelle
des divers services fut augmentée; un fonds de réserve, formé
pour la majeure partie de plus-values budgétaires, fut constitué.
Un vaste programme de travaux publics fut mis sur pied, comportant
la construction de 1 000 kilomètres de chemins de fer, d'un
important réseau de routes nationales, l'amélioration des ports,
l'exécution de travaux hydrauliques.
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