|
Jusqu'en 1886, les Français et les étrangers d'origine européenne
se faisaient à peu près équilibre en Algérie. Depuis lors, la
colonie étrangère semble avoir beaucoup diminué et le groupe
français a augmenté de plus en plus. En 1896, on trouve 318 000
Français (non compris les Israélites) et 212 000 étrangers; en
1911, 493 000 Français et 189 000 étrangers d'origine européenne.
Cette diminution apparente du nombre des étrangers est une
conséquence de la loi de 1889 sur la naturalisation, qui accroît
chaque année l'élément national de plusieurs milliers d'unités.
En fait, l'immigration étrangère se maintient pendant cette
période; la situation économique de l'Espagne et de l'Italie est
assez médiocre et ces pays continuent, ainsi que Malte, à fournir
à l'Algérie d'importants contingents qu'attirent les hauts
salaires, les travaux publics, les chances d'enrichissement. Mais,
par le jeu de la naturalisation automatique, on compte déjà, en
1896, 50 000 naturalisés; en 1911, on recense 304 000 Français
d'origine, 188 000 naturalisés et 189 000 étrangers; le groupe
étranger a donc perdu à peu près la moitié de ses membres; il
est décimé en outre par les mariages mixtes, qui sont fort
nombreux et atteignent une proportion de 20 à 25 pour 100; ce sont
surtout des mariages entre Français et jeunes filles espagnoles.
C'est principalement dans le département d'Oran que se marque la
prédominance de l'élément étranger; on y constate en 1911 la
présence de 93 000 Espagnols, 93 000 naturalisés et 95 000
Français d'origine; les trois groupes sont donc sensiblement de
même importance et il y a dans le département d'Oran deux
Espagnols d'origine pour un Français d'origine. Les Espagnols sont
surtout nombreux dans les arrondissements d'Oran et de Bel-Abbès. A
Oran-ville, on recense 24 000 Français d'origine, 34 000
naturalisés, 28 000 Espagnols.
C'est aux environs de 1896 qu'on commença à se préoccuper en
Algérie de ce qu'on appelait le " péril étranger ".
Comme le " péril juif ", il était dénoncé surtout par
ceux qui redoutaient l'entrée dans le corps électoral d'éléments
qui leur échappaient. Il ne faut ni nier, ni exagérer ce péril.
Assurément, la naturalisation n'a pas par elle-même une sorte de
vertu efficiente et n'inspire pas nécessairement à celui qui la
reçoit des idées françaises et des sentiments français. Mais,
comme il n'est pas à souhaiter que les étrangers restent groupés
en nationalités distinctes sous l'égide de leurs consuls, la
naturalisation était la seule solution qui s'offrait à nous. Tout
au plus aurait-on pu, pour les étrangers comme pour les
Israélites, mieux ménager les transitions et graduer l'accession
à la cité française; de même que la plupart de nos lois, la loi
sur la naturalisation aurait gagné à être amendée et adaptée en
vue de son application en Algérie. Mais il était parfaitement
possible de nous assimiler tous ces éléments ; puisque nous
n'avions ni la prétention ni la possibilité de les éliminer, il
fallait les franciser;
|
|