Des villages sont projetés sur les hauts plateaux ou dans les
hautes vallées du Tell et l'aire du peuplement français s'étend
vers le Sud jusqu'à la limite des steppes. La surface des
concessions est élevée à 30 ou 40 hectares, des essais de
peuplement régional sont tentés. Les émigrants sont empruntés
surtout aux départements des Hautes-Alpes, de l'Ardèche, de la
Lozère, de l'Aveyron, de l'Ariège. Enfin la législation est
remaniée et assouplie. Le décret du 30 septembre 1878, qui
régissait la colonisation officielle et qui était l'objet de
nombreuses critiques, fait place au décret du 13 septembre 1904.
Ce décret admet concurremment quatre modes d'aliénation : 1° la
vente à prix fixe à bureau ouvert au bureau des domaines du
chef-lieu du département; 2° la vente aux enchères par
adjudication publique; 3° la vente de gré à gré
exceptionnellement; 4° la concession gratuite quand l'intérêt de
la colonisation l'exige. Les acquéreurs doivent être Français;
ils sont tenus à dix années de résidence; les deux tiers des lots
sont réservés aux immigrants et l'étendue maxima des concessions
portée à 200 hectares. Le décret réalise en somme trois
réformes principales : le système de la vente est autorisé, mais
non imposé; l'obligation de résidence est portée à dix ans; la
surface des lots est augmentée et leur étendue peut être
désormais plus ou moins grande suivant les circonstances. La vente
à bureau ouvert devient le procédé normal d'aliénation des
terres; il permet d'acquérir la propriété immédiatement et dans
des conditions avantageuses. Ce procédé assure le recrutement de
colons mieux pourvus de ressources, mieux à même de vaincre les
difficultés, plus attachés à la terre en raison des sacrifices
qu'ils ont faits. Au point de vue financier, la colonie récupère
par la vente une partie de ses dépenses, de plus en plus élevées
par suite du prix des terres et du coût des voies d'accès. Par
contre, au point de vue du peuplement rural, les résultats des
ventes à bureau ouvert sont peu encourageants; le système facilite
les spéculations et les fraudes, prépare la constitution de latifundia,
ne fixe pas suffisamment l'acquéreur au sol. Aussi ne renonce-t-on
pas complètement à la concession gratuite, qui permet de choisir
avec soin les colons à installer dans les centres nouveaux et
d'exercer sur eux un contrôle plus efficace.
Le nouveau décret permit de reprendre l'œuvre de la
colonisation officielle et de la pousser très activement. Un effort
considérable fut accompli, rappelant les périodes les plus actives
et réparti sur les régions les plus variées, avec une tendance à
s'étendre sur les parties des hauts plateaux considérées
longtemps comme exclusivement pastorales et qui s'étaient
révélées comme dotées d'une moyenne de pluies suffisante pour
donner de bonnes récoltes de céréales.
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