Ces sociétés furent encouragées à faire à leurs participants
des prêts en vue de l'acquisition d'un matériel agricole plus
perfectionné. On s'appliqua à améliorer les procédés de culture
et d'élevage des indigènes, qui se mirent à pratiquer les labours
préparatoires et achetèrent des charrues françaises. On envisagea
la création de sociétés indigènes de culture (dje
maâs-el-fellahia), dont le but, plus étendu que celui des
sociétés de prévoyance, serait de donner aux cultivateurs des
habitudes de travail régulier et des moyens de cultiver
rationnellement. La situation matérielle des indigènes s'améliora
d'une manière très notable; en 1908 et en 1909, une sécheresse
persistante désola plusieurs régions de la colonie : néanmoins,
grâce aux progrès accomplis, ils ne connurent pas les horreurs de
la famine.
Une politique d'améliorations sociales n'implique nullement une
politique de faiblesse, bien au contraire. L'administration pouvait
se montrer d'autant plus rigoureuse vis-à-vis des chefs indigènes
et des tribus complices des malfaiteurs qu'elle avait fait tout ce
qui dépendait d'elle en faveur des musulmans. Dans les communes de
plein exercice, on s'efforça, sans toucher aux attributions qui
appartenaient à l'autorité municipale et que la loi seule eût pu
lui enlever, d'assurer une surveillance plus active des populations
en renforçant la police d'État et le personnel de la sûreté
départementale. Des secrétaires généraux pour les affaires
indigènes et la police générale furent créés dans chacune des
préfectures de l'Algérie. M. Jonnart demanda et obtint le maintien
des tribunaux répressifs créés en 1902 à la demande de M.
Révoil et accepta seulement certaines modifications à leur
fonctionnement, modifications qui furent effectuées par un décret
du 9 août 1903. L'internement par mesure administrative ne fut
appliqué qu'à titre tout à fait exceptionnel et entouré de
nombreuses garanties, mais néanmoins maintenu. Il en fut de même
des pouvoirs disciplinaires des administrateurs, de plus en plus
réduits dans leur application; la loi du 23 décembre 1904 prorogea
ces pouvoirs pour une nouvelle période de sept années, mais
réduisit le nombre des infractions et en exempta certaines
catégories d'indigènes. Enfin un décret du 24 septembre 1908
décida que les représentants des indigènes dans les conseils
généraux seraient désormais élus comme les délégués
financiers indigènes.
Cependant l'évolution libérale de la politique indigène ne
s'arrêta pas là. Un fait capital se produisit en 1912 :
l'institution du service militaire obligatoire pour les indigènes.
Jusque-là, leur recrutement se faisait uniquement par engagements
volontaires; ce recrutement avait été entravé par la loi du 11
juillet 1903, qui diminuait le taux des primes et des pensions de
retraite.
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