Dès 1908, il était question d'établir la conscription. Une
commission fut nommée pour établir dans quelle mesure et par quels
moyens il serait possible de tirer un meilleur parti des ressources
en hommes de l'Afrique du Nord; elle conclut au développement du
système de recrutement par voie d'engagements en modifiant la loi
de 1903; à la mise en vigueur, parallèlement au système des
engagements, d'un recrutement basé sur le principe de l'obligation
du service, enfin à l'organisation des réserves. L'annonce de ces
propositions provoqua une assez vive agitation aussi bien parmi les
colons que parmi les indigènes; on vit même un millier
d'indigènes de Tlemcen s'expatrier en Syrie. On passa outre
néanmoins et deux décrets des 31 janvier et 3 février 1912
réalisèrent les réformes préconisées par la commission.
Le second décret imposait aux indigènes l'obligation du service
militaire obligatoire, tempérée par la faculté du remplacement et
la très faible proportion des appelés; le régime des appels
n'était envisagé que comme un moyen de compléter le rendement des
engagements dans la limite des besoins. " La sagesse et la
prudence de cette méthode, disait l'exposé des motifs du décret
de 1912, n'échappera pas aux Français d'Algérie, qui comprennent
d'ailleurs les nécessités militaires auxquelles la métropole doit
faire face et se font un devoir de reconnaître les intérêts
supérieurs en cause. Les indigènes se plieront d'autant plus
volontiers aux nouvelles formalités qu'elles ne constituent pas
pour eux une charge et qu'en les acceptant avec le loyalisme dont
ils ont donné maintes fois les preuves, ils se constitueront un
titre de plus à la sollicitude du gouvernement, décidé à
pratiquer à leur égard une politique de bienveillant libéralisme.
"
L'application du service militaire obligatoire aux indigènes
devait forcément amener une modification de leur statut. Une
campagne très vive contre l'administration algérienne était
d'ailleurs menée par MM. Paul Bourde et Philippe Millet dans le
journal le Temps, par M. Albin Rozet au Parlement; on y
représentait les indigènes algériens comme vivant sous un régime
d'arbitraire, d'iniquité et de terreur; l'administration était
prisonnière des colons et le demeurerait tant qu'on n'accorderait
pas aux indigènes dans les divers conseils de la colonie une
représentation sérieuse et suffisante. Un parti "
jeune-algérien " commençait à se constituer; quatre mois
après l'institution de la conscription, en juin 1912, ce groupe
apporta à Paris un cahier de revendications politiques. De longs
débats sur la politique algérienne eurent lieu à la Chambre des
députés au début de 1914; l'ordre du jour du 9 février 1914, qui
clôtura les débats, demandait au gouvernement " de réaliser
à bref délai l'égalité fiscale, de modifier largement et
d'améliorer le statut des indigènes, pour accorder à ceux-ci
toutes les libertés compatibles avec la souveraineté française.
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