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Au début des hostilités, la
mobilisation, les difficultés d'exploitation, l'incertitude
des transactions et des transports avaient provoqué un
fléchissement du prix des terres. Mais, dès la fin de
1917, les bonnes récoltes et la hausse des denrées
agricoles amenèrent une plus-value générale. En 1919, la
hausse est de plus en plus rapide et accentuée; une fièvre
de spéculation sévit; bon nombre de propriétaires
européens profitent de la hausse pour vendre leurs biens;
quelques-uns les rachètent, puis les revendent plus cher
encore. Les acquisitions de domaines européens par les
indigènes sont de plus en plus nombreuses : « Vous nous
avez pris la terre à coups de fusil, disent-ils, nous vous
la reprenons à coup de douros. » En 1918 et 1919, les
Européens vendirent aux indigènes 60 000 hectares de terre
et en achetèrent seulement 35 000; le recul de la
propriété européenne fut plus particulièrement marqué
dans le département de Constantine et en Kabylie, où des
centres entiers revinrent aux mains des indigènes; ce fait
s'explique par la densité de la population indigène et la
prédominance de l'élément berbère; dans l'Ouest de
l'Algérie, les achats des Européens conservèrent presque
partout la prépondérance. |
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LE TROISIÈME
GOUVERNEMENT DE M. JONNART ET LES RÉFORMES INDIGÈNES
(1918-1919) |
En 1918, au moment de l'effort
suprême, le gouverne ment de M. Clemenceau fit appel une
fois encore à M. Jonnart et lui confia la direction des
affaires de l'Algérie. Il s'agissait de faire accepter aux
indigènes un recrutement militaire de plus en plus
intensifié et aux colons des réformes indigènes très
importantes : « Ne me demandez pas de soldats, avait dit M.
Clemenceau à M. Jonnart, mais faites en sorte de m'en
envoyer le plus possible. » Débarqué à Alger au milieu
du mois de janvier 1918, le gouverneur général se mit
immédiatement en relations avec les chefs indigènes, qui
lui promirent leur concours le plus dévoué; en deux mois,
il obtint une levée de 70 000 hommes, dont 50 000 pour
l'armée et 20 000 pour les usines de guerre.
Cet empressement créait aux indigènes un nouveau titre à
notre affection et à notre reconnaissance. En 1915 et en
1916, diverses propositions émanées de l'initiative
parlementaire demandaient que la France reconnût par un
acte législatif le dévouement et la fidélité des
indigènes algériens. En novembre 1915, les Commissions des
affaires extérieures de la Chambre et du Sénat
réclamèrent du gouvernement l'exécution des réformes
promises par l'ordre du jour du 9 février 1914, réformes
que la guerre avait fait ajourner. Les présidents de ces
Commissions, MM. Clemenceau et Leygues, devenus ministres,
se devaient à eux-mêmes de ne pas laisser plus longtemps
ces promesses en suspens. |
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