Ce statut intermédiaire entre celui du sujet français et celui du
citoyen français était la partie vraiment originale de la réforme
de 1919. Quant aux indigènes qui désiraient devenir citoyens
français, la loi ajouta encore aux facilités déjà très grandes
que leur donnait le sénatus-consulte de 1865 ; l'attribution de
cette qualité ne leur était plus concédée par l'administration
à titre de don qu'elle était toujours libre de refuser :
désormais, une simple déclaration suffisait à ceux qui
remplissaient les conditions nécessaires et c'était à l'autorité
judiciaire qu'il appartenait de recevoir cette déclaration et de
vérifier si ces conditions étaient remplies.
La conservation du statut personnel musulman ne faisait nullement
obstacle à ce que les indigènes pussent participer à la vie
publique locale; la loi nouvelle spécifia en conséquence qu'ils
devaient être représentés dans toutes les assemblées
délibérantes de l'Algérie, délégations financières, conseils
généraux, conseil supérieur, conseils municipaux, commissions
municipales, djemaâs de douars, par des membres élus siégeant au
même titre et avec les mêmes droits que les citoyens français.
C'était le corollaire logique de la réforme fiscale. De même
qu'il était juste que les recettes des divers budgets fussent
fournies dans la proportion de leurs forces contributives aussi
bien par les Français que par les indigènes, de même il fallait
que ceux-ci fussent appelés, par l'intermédiaire de représentants
élus par eux et indépendants, à voter et à contrôler les
dépenses.
Enfin, autre réforme capitale, les djemaâs de douars furent
reconstituées dans les communes de plein exercice par la loi du 1er
août 1918. C'était un acte de justice et de bonne administration.
La djemaâ, c'est-à-dire la représentation du douar, est, parmi
les institutions anciennes des indigènes, celle qui symbolise le
mieux à leurs yeux les franchises séculaires. Elle protège et
sauvegarde les biens communaux des douars, leurs pâturages, leurs
terrains de parcours; elle allait reprendre la maîtrise des
prestations et des revenus du douar pour les affecter à des travaux
d'utilité publique intéressant le petit groupement. Dans les
communes mixtes, où les djemaâs étaient auparavant composées de
notables désignés par les préfets et placées sous la présidence
de chefs indigènes également nommés par l'administration, elles
furent désormais élues par la population et choisirent
elles-mêmes leurs présidents.
La loi spécifiait expressément que les conseillers municipaux
indigènes participeraient désormais à l'élection des maires et
des adjoints dans les communes de plein exercice. C'est sur ce point
que M. Jonnart avait rencontré en Algérie les plus vives
résistances; il avait dû user de son ascendant personnel sur les
représentants de colons pour en triompher.
|