La mesure était cependant justifiée. Si l'on voulait voir les
municipalités témoigner d'une égale sollicitude pour tous les
habitants de la circonscription communale, il fallait que les
conseillers municipaux indigènes ne fussent pas traités en parents
pauvres et que leur action sur le choix des maires et des adjoints
leur permît de défendre plus efficacement les intérêts de leurs
commettants. Dès l'instant qu'on estimait que des considérations
d'équité et de prévoyance commandaient d'initier plus
complètement les indigènes à la vie publique, de leur donner un
droit de contrôle sur la gestion des affaires locales, il fallait
en toute loyauté leur assurer une représentation sérieuse,
suffisante, placée sur le même pied que la représentation des
Européens.
Le nombre des électeurs indigènes fut considérablement accru par
les réformes de 1919. Depuis vingt-cinq ans, une série de décrets
avaient élargi les cadres de l'électorat indigène, pendant que
des arrêtés du gouverneur étendaient les catégories d'indigènes
soustraites aux lois de l'indigénat et aux juridictions
exceptionnelles. L'électorat et l'éligibilité étaient désormais
conférés à tous les indigènes âgés de vingt-cinq ans qui
avaient servi dans l'armée, étaient propriétaires ou
commerçants, exerçaient une fonction publique ou étaient pourvus
d'un diplôme universitaire. Le droit de suffrage, dans ces
conditions, était accordé à 100 000 électeurs pour les
Délégations financières, tandis qu'ils n'étaient pas plus de 15
000 auparavant, à plus de 400 000 électeurs pour les conseils
municipaux et les djemaâs.
Les réformes de 1919 assuraient à la population musulmane de
l'Algérie toutes les garanties nécessaires au respect et au
développement de ses intérêts, sans aller jusqu'à une
assimilation qu'elle ne désirait pas et qui eût profondément
troublé ses habitudes. Elles constituaient une marque de confiance
envers les indigènes, en même temps qu'elles montraient une fois
de plus au monde musulman que le gouvernement français demeurait
fidèle à ses principes d'humanité et de progrès. La
participation des indigènes à la guerre, les services qu'ils
avaient rendus à la France, avaient noué entre eux et nous de
puissants liens. Soumis désormais au même régime fiscal que les
Français, payant comme eux l'impôt du sang, ayant comme eux
défendu la patrie commune, les musulmans algériens devaient être
admis à prendre une part plus large à la gestion des intérêts
collectifs, sans rien compromettre de l'hégémonie française.
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