La guerre finie, M. Jonnart
rappela à M. Clémenceau que seules des circonstances
exceptionnelles l'avaient décidé à retourner en Algérie,
qu'il avait rempli le programme qui lui avait été
assigné, et que, désirant se consacrer désormais aux
régions libérées, particulièrement à celles du
Pas-de-Calais, envahies dès 1914 et complètement ruinées
par l'ennemi, il priait le gouvernement de lui donner un
successeur. L'Algérie, depuis 1919, a eu comme gouverneurs
généraux MM. Abel (1919-1920), Steeg (1921-1925),
Viollette (1925-1927) et Bordes. On s'abstiendra, faute d'un
recul suffisant, de tout jugement sur ces derniers
gouverneurs; quelques-uns d'entre eux sont encore mêlés à
la politique active et n'ont pas achevé leur carrière; il
est trop tôt pour les apprécier, eux et leur oeuvre, sine
ird et studio. Le rôle du gouverneur général, tout en
demeurant très important, est d'ailleurs moins grand que
dans les années qui se sont écoulées de 1890 à 1914 et
pendant lesquelles la colonie a accompli son évolution
décisive. Elle est désormais majeure, elle a reçu les
institutions qui lui permettent d'atteindre son plein
développement. L'Algérie fara da se.
Une des questions qui se posent, c'est de savoir si le
gouverneur général doit appartenir au monde parlementaire,
comme MM. Abel, Steeg et Viollette, ou à l'administration
comme M. Bordes. Il est évident qu'elle ne comporte pas de
solution absolue. On fait valoir, en faveur du gouverneur
membre du Parlement, qu'il pourra défendre les intérêts
de l'Algérie devant les Chambres et dans les conseils du
gouvernement avec plus de liberté d'allures et sans
préoccupations de carrière; en faveur du
gouverneur-fonctionnaire, qu'il pourra se consacrer plus
exclusivement à sa tâche africaine et demeurer plus
longtemps à son poste. Il y a eu d'excellents
gouverneurs-fonctionnaires, comme M. Cambon, et de grands
gouverneurs-parlementaires, comme M. Jonnart. L'essentiel
est le choix de l'homme vraiment apte par ses qualités et
par son passé à s'acquitter dignement de ces hautes
fonctions. L'Algérie demande surtout que le chef de la
colonie soit stable et ne change pas fréquemment. Le
gouverneur général devrait, comme le vice-roi de l'Inde
britannique, être nommé pour cinq ans au moins.
Les Délégations financières ne sont plus l'assemblée
souple et docile qu'ont connue les Révoil et les Jonnart ;
les indigènes eux-mêmes, dont le vote unanime était
autrefois obtenu, dit-on, sur un simple signe du
représentant du gouverneur, montrent beaucoup plus
d'indépendance. |