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Bien que le sol de l'Algérie n'ait pas subi les atteintes directes
de l'ennemi, elle n'en a pas moins éprouvé la répercussion des
événements ; elle a été atteinte non seulement dans son amour
filial pour la mère-patrie, dont elle a partagé les épreuves,
mais dans sa constitution sociale, dans ses ressources vives, dans
sa vie économique et financière.
Le budget de l'Algérie, que les assemblées locales avaient si
prudemment aménagé et qui autorisait toutes les espérances, avait
été profondément ébranlé par les événements. Dans les cinq
exercices de guerre, un déficit de plus de 120 millions s'accusa
dans les revenus budgétaires; en même temps, les dépenses
exceptionnelles pour le ravitaillement de la population, pour
l'amélioration du sort des fonctionnaires et des cheminots, pour le
déficit des chemins de fer, devenaient de plus en plus
considérables. Au total, 621 millions de dépenses ne figuraient
pas aux écritures budgétaires qui, de 1915 à 1922, ne
répondaient plus à la réalité. Il fallut faire appel au fonds de
réserve, emprunter à la Banque de l'Algérie, créer des impôts
nouveaux.
Dès la fin de la guerre, on s'attacha à liquider la situation. Il
n'était pas possible de prolonger, au delà des circonstances qui
l'avaient imposée, la méthode financière consistant à demander
à la Banque de l'Algérie les ressources nécessaires tant pour
équilibrer le budget que pour faire face aux dépenses
exceptionnelles du temps de guerre. Cette politique, en faisant
appel aux avances d'une banque d'émission, aggravait l'inflation de
la circulation fiduciaire, cause principale de la cherté de la vie
et ne pouvait que retarder le retour à une situation économique
normale. Malheureusement, en 1920 se produisit une sécheresse
désastreuse et la récolte fut à peu près nulle. En temps
ordinaire, on eût pu se procurer facilement et à bon marché des
grains en Russie, en Argentine ou ailleurs; les circonstances nées
de la guerre, déficit général des récoltes, carence de la
Russie, conditions de fret et de change, obligèrent l'Algérie à
payer le blé nécessaire à la soudure plus de 200 francs le
quintal; il fallut importer en 1920-21 plus de deux millions de
quintaux. C'était une opération sans précédent dans l'histoire
de l'Algérie par sa durée et par les difficultés de toutes sortes
que l'administration rencontra pour la mener à bien; elle fit le
plus grand honneur au directeur de l'agriculture, M. Brunel, qui fut
à la hauteur de sa tâche dans des circonstances presque tragiques.
La crise de 1920 retarda le rétablissement de la situation
budgétaire normale. Malgré l'augmentation des impôts, les
recettes demeuraient insuffisantes pour couvrir les dépenses
ordinaires et les travaux publics, très ralentis, ne pouvaient
être alimentés que par des ressources exceptionnelles.
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