Des modifications ont été reconnues nécessaires au décret de
1904, qui a donné des résultats satisfaisants au point de vue du
nombre des propriétés aliénées et des superficies alloties,
ainsi que de l'importance des constructions rurales, du cheptel et
du matériel agricole, mais qui a eu des conséquences beaucoup
moins heureuses au point de vue du peuplement rural. Ces
modifications ont été effectuées par le décret du 9 septembre
1924, qui a porté de dix à vingt ans la période de résidence
obligatoire et de vingt à quarante la période pendant laquelle les
terres ne peuvent être cédées qu'à des colons français. Enfin
la part des Algériens dans les lots de colonisation a été
élevée du tiers à la moitié : mesure parfaitement justifiée,
car il faut permettre aux fils de colons d'essaimer et ils
réussissent en général beaucoup mieux que les nouveaux venus,
mais ce fait montre que la colonisation officielle, dont le but
était d'attirer des immigrants français, des familles
métropolitaines, tend à changer de caractère et touche à sa fin,
tout au moins dans ses méthodes actuelles.
C'est ce que prévoyait en 1906 M. de Peyerimhoff dans la
conclusion de sa remarquable enquête sur la colonisation
officielle; il estimait qu'un moment viendrait où elle devrait
disparaître et céder la place à la colonisation libre : « Le
nouveau peuple, disait-il, est encore dans la période de formation;
il a la brève et unique plasticité des organismes jeunes; sa masse
n'est pas telle qu'on ne puisse agir fortement sur sa composition et
ses allures; les unes et les autres, l'expérience le prouve, seront
fixées dans quelques dizaines d'années et il sera trop tard pour y
rien changer. »
Au point de vue des transactions foncières entre les Européens
et les indigènes, la situation anormale de 1914-1919 a pris fin et
on est revenu à peu près à la situation d'avant-guerre; les
indigènes ont été éprouvés par la sécheresse, les mauvaises
récoltes, la mortalité du cheptel; en même temps, les allocations
et les primes de démobilisation se tarissaient, les usines de
guerre se fermaient. A partir de 1920, les acquisitions des
Européens sont devenues égales ou supérieures à leurs ventes;
pour la période 1921-1925, ils ont acheté aux indigènes 135 000
hectares et leur en ont vendu 114 000. Mais, dans le département de
Constantine, la colonisation est encore en recul, les Européens
vendant 51 000 hectares et n'en achetant que 38 000. La reprise des
terres de colonisation par les indigènes, là où elle se produit,
a un double inconvénient : inconvénient politique par l'atteinte
portée au peuplement français rural; inconvénient économique,
car, là où les fermes françaises tombent aux mains des
indigènes, les bâtiments ne sont plus entretenus, le bétail n'est
plus soigné, le matériel est à l'abandon, le sol envahi par les
mauvaises herbes; c'est le retour à la barbarie.
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