D'autres dangers menacent d'ailleurs le peuplement rural par le
développement de grands domaines européens, véritables latifundia,
qui ont évidemment un rôle économique utile, mais font le vide
autour d'eux en faisant disparaître la moyenne et la petite
propriété. Tout compte fait, la population européenne rurale
paraît avoir diminué depuis 1911 d'environ 10 000 unités. Dans
certains villages de colonisation, la régression est incontestable;
même de petites villes comme Blida, Tizi-Ouzou, voient décroître
le nombre des Européens non-fonctionnaires.
Le problème foncier n'est toujours qu'incomplètement résolu,
peut-être parce qu'il ne comporte pas de solution absolue. La loi
de 1897 n'était, dans la pensée de ses auteurs, qu'une loi
provisoire permettant d'attendre la réalisation d'une réforme plus
complète. Le rapport de M. Franck-Chauveau à la Commission des
XVIII avait conclu à l'application en Algérie du système des
livres fonciers ou système Torrens, dont le principal avantage eût
été de faciliter les transactions immobilières en leur donnant
une base solide et sûre et de favoriser le développement du
crédit immobilier par la création de cédules hypothécaires.
Diverses propositions de loi furent présentées dans ce sens en
1903, 1907, 1919, 1921. Mais il apparut que ce système, excellent
dans les pays neufs, ne ferait en Algérie qu'ajouter une nouvelle
complication au régime foncier et les assemblées algériennes ne
s'y montrèrent pas favorables. Elles demandèrent seulement un
certain nombre de modifications à la loi de 1897.
Ces modifications ont été réalisées par la loi du 4 août 1926,
qui a pour objet de rendre la procédure d'enquête partielle plus
rapide et moins coûteuse et de remettre en vigueur les procédures
d'ensemble destinées à assurer la constitution de la propriété
indigène dans tous les douars où la colonisation a largement
pénétré, c'est-à-dire dans ceux où la moitié au moins des
surfaces aura fait l'objet d'enquêtes partielles ou quand la
moitié au moins des intéressés le demandera. Même dans ces cas,
le gouverneur général reste juge de l'opportunité de la mesure.
Cette loi est, en un certain sens, un retour à la loi tant
critiquée de 1873; mais cinquante ans ont passé depuis et la
transformation de la terre collective en propriété individuelle
est maintenant réclamée par les indigènes eux-mêmes; le droit de
veto absolu de l'autorité supérieure introduit une autre
différence. Il n'y a d'ailleurs pas à craindre actuellement de
voir les indigènes se dépouiller trop facilement de leurs terres;
c'est plutôt l'avenir de la propriété européenne qui serait de
nature à inspirer des inquiétudes.
On ne peut assez s'étonner que, pendant qu'on faisait de si grands
sacrifices pour établir en Algérie des colons français, on ait si
longtemps négligé de les mettre en état de réussir par une bonne
organisation du crédit agricole.
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