Page précédente HISTOIRE DES COLONIES FRANÇAISES - Tome2 - Retour page Table des matières ALGÉRIE - LIVRE IV  - CHAP. 2 Page suivante
  L'ALGÉRIE DE 1914 À 1930  
     
  
Le fait qu'ils hésitent à le faire est la meilleure preuve qu'ils ne sont pas encore mûrs pour y pénétrer de plain-pied. Comme l'écrivait M. Raymond Aynard, «pour peu qu'on se rende compte de l'immense différence des milieux, des traditions, des éducations et des races, on admettra difficilement que ces indigènes, si éloignés de nos idées et de nos sentiments, participent à la direction de nos affaires et qu'affranchis d'une partie de nos lois civiles, ils légifèrent pour nous. On reconnaîtra qu'il serait dérisoire de leur accorder pour la forme quelques places au Palais-Bourbon ou au Luxembourg, ou singulièrement périlleux de leur faire une part normale, de constituer dans nos assemblées un groupe musulman, qui pourrait devenir l'arbitre des partis en cas de crise et qui, objet de leurs surenchères, accorderait son concours au prix des concessions les plus fâcheuses pour notre autorité et notre prestige. » Il n'est d'ailleurs pas difficile d'imaginer une représentation des indigènes à Paris, en dehors du Parlement, qui présenterait pour eux plus d'avantages sans offrir les mêmes inconvénients.
 

LA CRISE DE LA MAIN-D' ŒUVRE

 
L'exode des musulmans algériens en France s'est maintenu et développé après la guerre; les indigènes, qui ont touché des salaires élevés et réalisé des économies pendant leur séjour en France, sont les meilleurs agents recruteurs auprès de leurs coreligionnaires; le mouvement, comme avant la guerre, est alimenté presque exclusivement par la Kabylie. Bien qu'on n'ait pas de données précises, on estime que le nombre des travailleurs indigènes en France a passé de 52 000 en 1921 à 72 000 en 1922 et 92 000 en 1923; ils sont aujourd'hui environ 100 000. La majeure partie réside dans la région parisienne; le reste se trouve dans le Nord de la France (départements du Nord et du Pas-de-Calais), dans le centre (Lyon, Saint-Étienne, Clermont), dans la région méditerranéenne (Marseille). Leur rendement est en général médiocre; ils fournissent un travail irrégulier, changent souvent d'employeurs, sont les premiers congédiés en cas de crise; il faut alors les hospitaliser ou les rapatrier. La plupart exercent des métiers qui n'exigent pas d'apprentissage; on leur confie de basses besognes, que dédaignent les autres travailleurs.
Obligée dès avant la guerre de faire appel à la main-d'œuvre étrangère, la France y est contrainte aujourd'hui dans des proportions bien plus considérables encore. La main-d'œuvre indigène ne risque donc pas de concurrencer la main-d'œuvre nationale. Les salaires que touchent les indigènes, les économies qu'ils réalisent, vont enrichir la France d'outre-mer; l'émigration améliore leur situation matérielle.
 
  510  
Page précédente Retour page Table des matières Page suivante