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Le phénomène est très complexe,
mais ne laisse pas d'être inquiétant. Il est nécessaire en
effet, pour que la prospérité économique se maintienne, que
l'abondance de la main-d'œuvre compense sa médiocrité, et que
son bon marché contre-balance les aléas du climat et les frais
de transport qu'occasionne l'éloignement des lieux de
consommation.
Il est assez singulier d'observer quelle évolution ont subie
les idées. Les Algériens se plaignaient du « péril étranger
» et voici qu'ils regrettent les travailleurs espagnols; ils
étaient effrayés de la multiplication si rapide des
indigènes, et voici qu'ils trouvent ces précieux
collaborateurs trop peu nombreux. Ils se sont aperçus que la main-d'œuvre
indigène est absolument indispensable à la mise en valeur
d'une colonie, qu'il faut tout faire pour en augmenter le nombre
et la qualité et qu'il n'existe au fond que deux véritables
richesses : l'homme et la terre. |
LA SITUATION
ÉCONOMIQUE |
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D'une manière générale,
l'Algérie a moins souffert de la guerre que la métropole. Il
semble même que, pendant cette période elle se soit enrichie.
Mais cet enrichissement, quoique réel, n'est pas aussi
considérable qu'il semble au premier abord. Comme l'ont
observé les économistes, ce n'est pas en général pendant la
guerre qu'un peuple souffre le plus des sacrifices et des
privations que la lutte lui a imposés ; les maux économiques
et financiers ne sévissent d'ordinaire qu'un certain temps
après le rétablissement de la paix. L'Afrique du Nord en est
un exemple ; elle a reperdu dans les années qui ont suivi la
guerre une partie des bénéfices qu'elle avait effectués
pendant la période des hostilités. « Les gains passagers
réalisés dans certaines professions, dit M. Alapetite, ne
doivent pas faire illusion sur l'appauvrissement général qui
résulte pour le monde entier de ces dépenses de guerre dont le
calcul donne le vertige, de tant de destructions causées par la
bataille et de celles que la barbarie de l'ennemi y a
gratuitement ajoutées. Que sont pourtant ces pertes
matérielles à côté de ce que nous aurions perdu si l'effort
immense, si le sacrifice sans égal dans l'histoire demandé à
la France de 1914 l'avait lassée avant que le but fût atteint!
»
Pendant les années 1914-1919, le volume total du commerce avait
diminué. Cette diminution avait porté surtout sur les
importations, de sorte que pendant les années de guerre les
exportations avaient toujours été supérieures aux importations.
Après la guerre, la situation se renverse complètement;
l'Algérie cherche à se procurer les objets manufacturés dont
elle avait été privée pendant la guerre, notamment les
articles de luxe et il en résulte une augmentation
considérable des importations; la mesure est même parfois
dépassée. |
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