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s'est massacré entre catholiques et protestants. Mais ce qui est en
cause ici, entre la chrétienté et l'Islam, ce n'est pas tant une
divergence de dogme, de catéchisme. C'est quelque chose de bien
plus profond. Une opposition totale dans 1 organisation de la
famille, de la justice, de l'État. Deux sociétés entrent en
contact immédiat après des millénaires d'évolution indépendante
: l'Orient et l'Occident.
C'est toute la question de l'Islam, on ne peut pas la traiter en
passant, dans un alinéa.
Les Efforts officiels :
Assistance, Instruction
Cette étanchéité du bloc musulman est particulièrement
pénible à la métropole; elle cause à Paris des explosions
périodiques d'irritation, parce que Paris est trop loin pour
discerner la nature de l'obstacle ; il s'imagine volontiers que la
Société Européenne, représentée par des pouvoirs publics
locaux, ne fait pas le nécessaire pour combler l'abîme.
Le gouvernement général d'Algérie n'aurait pas eu besoin des
incitations métropolitaines pour essayer d'agir. Qui n'est
conscient des devoirs que la conquête nous impose vis-à-vis de nos
sujets musulmans ? Qui n'est ardemment désireux d'amener entre les
deux blocs une fusion dont les énormes avantages sont évidents ?
L'administration s'est servie des armes dont elle peut disposer.
Elle s'est occupée du bien-être physique, de l'hygiène, de
l'assistance publique.
Dispensaires, infirmeries et hôpitaux indigènes; cités, asiles,
orphelinats et oeuvres multiples d'assistance. L'Algérie déclare
consacrer à l'hygiène 70 millions de son budget d'un milliard.
On a confié aux administrateurs l'organisation de sociétés
indigènes de prévoyance et de prêts mutuels. Il s'agit, dans la
mesure du possible, de faire la guerre aux usuriers, aux terribles
usuriers, héritage du passé oriental.
Fidèle à sa doctrine, la 3ème République a donné ses
soins particuliers à l'instruction publique.
Naturellement les lycées, les collèges, les écoles primaires
européennes sont ouverts aux indigènes. Mais cela ne suffisait
pas. On a ouvert des écoles primaires indigènes.
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Ces efforts administratifs, si suivis qu'ils soient, ne sont que des efforts
administratifs. L'énormité du problème à résoudre dépasse trop
évidemment les pouvoirs de réalisation d'une administration.
Ces efforts sont étayés pourtant par les instincts du colon. Même lorsqu'il
n'est pas d'origine, il est d'éducation française. Vis-à-vis de
l'indigène, il n'a pas la morgue anglo-saxonne. Vis-à-vis du musulman, il
n'a pas les préjugés de l'Espagnol.
Dans l'élan économique d'ailleurs le colon vis-à-vis de l'indigène fait
office d'entraîneur. Même sans le vouloir, par la concurrence même et le
choc des intérêts, il a modifié dans le sens du mieux-être la situation
des Indigènes.
L'Algérie s'est attachée à la tâche terrible d'occidentaliser un morceau
d'Orient. S'est-elle efforcée tout à fait en pure perte ? Le
Métamorphisme
A vrai dire certains résultats très partiels ont été obtenus. M. Milliot
vient de nous faire connaître en 1926 un phénomène curieux qui atteste les
progrès du Français parmi les Kabyles.
Les Kabyles du Djurdjura ont toujours eu, à travers les siècles, un droit
coutumier qui leur est propre. Ils lui donnent le nom de « Kanoun »,
qui est
à lui seul un brevet d'antiquité, puisqu'il remonte évidemment à l'époque
chrétienne : les canons de l'Église. Ces « kanouns » sont doublement
illégaux : en droit musulman, parce que la loi musulmane tient tout entière
dans le Coran; en droit français, parce que toute la loi française est
enfermée dans le code. Cette double illégalité n'a d'ailleurs aucune
importance pratique : elle n'a jamais gêné sérieusement personne en
Kabylie.
Le gouvernement algérien, sous la pression des assemblées parlementaires
parisiennes, a diminué les pouvoirs de police des administrateurs; cela s'est
appelé suppression du code de l'indigénat. Pour contre-balancer
l'affaiblissement de l'autorité administrative, les communautés kabyles ont
voulu renforcer l'autorité, en quelque sorte syndicale, de leurs kanouns. Et
pour y parvenir elles se sont mises à les écrire, à les codifier, si on
peut dire.
Le droit coutumier des kanouns s'est transmis à travers
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